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3761. — À M.  LE PRÉSIDENT DE BROSSES[1].
Aux Délices, février 1759.

Je vous l’avais bien dit, monsieur, que vous vous étiez chargé d’un lourd fardeau. Vous auriez dû me vendre plus cher votre terre. Je n’aurais pas payé les importunités que je vous cause. Pardonnez à mon ignorance. Je ne savais pas que non-seulement l’exaction du centième denier sur les douze mille livres employables en réparations dans quelques années est impertinente, mais encore que je ne dois rien sur le marché que j’ai fait avec vous, qui n’est qu’un bail à vie[2].

M.  Girod, qui est venu aux Délices, a passé par Tournay, où il a vu cinquante ouvriers qui ajustent le château. Vous pouvez compter que ce sera un endroit délicieux.

Je me flatte, monsieur, que vous voudrez bien faire entendre raison au sieur Girard, receveur ou directeur des domaines, qui exige ce qui ne lui est pas dû, avant même que je sois en possession[3].

Je vous réitère les mêmes prières que j’ai eu l’honneur de vous faire dans ma dernière lettre, et j’ajoute une autre requête : c’est de trouver bon que je prenne pour me chauffer quelques moules de bois sec que le sieur Charlot Baudit ne vend point. Il est bien juste que je jouisse des choses nécessaires. Charlot Baudit est convenu, et on le sait assez, qu’il n’est que commissionnaire. Je vous ai payé en partie avant d’entrer en jouissance ; il m’en coûtera, croyez-moi, plus de vingt-quatre mille livres pour améliorer la terre et pour embellir le château. Je suis peut-être le seul homme en France qui en eût usé ainsi. Je répare Tournay avant même d’être en possession. Je fais plus, j’essuie toutes les algarades d’un fermier ivrogne qui a tout enlevé, bois, fumiers, graines, instruments, et qui trouble mes ouvriers ; cela mérite en vérité que vous me laissiez jouir de quelques mesures de bois de chauffage.

Quand vous voudrez qu’on travaille aux réparations du chemin de Chambézy, je m’en chargerai.

Je suis à vos ordres pour toute ma vie. V.

  1. Éditeur, Th. Foisset. — Cette lettre demeura sans réponse.
  2. Ceci a visiblement trait à des explications antérieurement données par M.  de Brosses, dans une lettre qui s’est perdue.
  3. Chouet n’avait pas encore déguerpi du château.