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Vivez avec votre amie[1], et avec monsieur votre fils, tant que vous pourrez ; voyez d’un œil tranquille nos énormes sottises ; mettez à la tontine, et enterrez votre classe. J’ai envoyé un gros paquet à Colini, dans lequel il y a une lettre pour monseigneur l’électeur palatin, et une autre pour le valet de chambre favori ; il devrait l’avoir reçu. Les bontés dont vous l’honorez, madame, me mettent en droit de vous prier de l’en avertir.

On dit qu’on a roué le révérend père Malagrida ; Dieu soit béni ! Vous aviez deux jésuites bien insolents, l’un à Strasbourg, l’autre à Colmar[2]. Monsieur le premier président, votre frère, ménageait ces maroufles. Ne sait-il pas qu’ils sont à présent fort au-dessous des capucins ? Je mourrais content si la paix était faite, et si je voyais les jansénistes et les molinistes écrasés les uns par les autres. Mille tendres respects.


4012. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[3].
Du Ier janvier 1760.

Vous m’avez écrit, mon cher monsieur, une lettre où vous peignez la plus belle âme du monde avec des couleurs dignes du peintre. Il me semble que vous êtes un peu fâché contre le genre humain, qui le mérite bien, surtout en ce temps-ci, en y comprenant les meurtriers prussiens, les assassins jésuites, et les coupeurs de bourses privilégiés qui nous ruinent. Si c’est seulement la philosophie qui vous fait voir les hommes tels qu’ils sont, je vous en fais mon compliment ; si malheureusement vous aviez à vous plaindre de quelque injustice de la part de ces animaux à deux pieds sans plume, parmi lesquels il y en a de si ingrats et de si méchants, comptez que je m’y intéresse très-vivement, et que je souhaiterais avec passion d’être à portée de vous consoler. Mais je n’imagine pas que, n’ayant jamais fait que du bien, et jouissant d’une fortune tranquille dans le sein des belles-lettres, et surtout dans la société de Mme de Ruffey, vous puissiez être au nombre de ceux qui se plaignent.

Vous me demandez, monsieur, si j’ai achevé mes bâtiments. J’ai été beau train jusqu’au ministère du traducteur de Pope[4]. Mais ce diable d’homme, qui avait traduit le Tout est bien, nous a

  1. Mme de Brumath.
  2. Celui de Colmar était Kroust.
  3. Éditeur, Th. Foisset.
  4. Silhouette.