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quelque temps. Mais je crois qu’il faudra bien du temps pour rétablir la circulation et la confiance.

Ne soupçonnez-vous pas que M. Silhouette voulait faire rendre gorge à certains financiers, et que ceux-ci l’ont culbuté ? Il allait trop vite, il effarouchait ; peut-être de bonnes intentions trop précipitées l’ont perdu.


4007. — À M. BERTRAND.
18 décembre.

Je m’intéresse bien vivement, mon cher monsieur, à tout ce qui peut toucher Mme de Freudenreich ; je crains de ne pas assez ménager sa douleur, en lui écrivant une de ces lettres de condoléance qui ne sont, comme dit La Fontaine, que des surcroîts d’affliction[1]. J’ai pris le parti d’adresser ma lettre à M. de Freudenreich. Je reconnais bien votre amitié à la part que vous m’avez faite de ce qui regarde une famille qui me sera toujours respectable et bien chère.

Je vous plains si vous avez mis quelque chose sur les fonds publics de France ; il n’y a pas d’apparence que nos pertes immenses soient sitôt réparées. J’ai embarqué comme vous une grande partie de ma fortune sur ce frêle vaisseau de la foi publique ; mais il ne faut jamais songer à ce qu’on a perdu, il faut penser à bien employer ce qui reste.

S’il est vrai qu’un corps prussien de huit mille hommes ait été battu[2] par les Autrichiens, et que le maréchal de Daun se soit ouvert les chemins de Berlin, je tiens le roi de Prusse plus à plaindre que vous et moi.

Je vous embrasse de tout mon cœur.


4008. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 22 décembre.

Le nouveau moine[3] ou frère lai que vous venez de recevoir, mon cher et illustre maître, m’a été adressé, il y a plusieurs années, par une nièce de

  1. De certains compliments de consolation
    Qui sont surcroît d’affliction.

    (La Fontaine, livre VIII, fable xiv, vers 4-5.)
  2. Dans les premiers jours de décembre, Beck, l’un des généraux qui servaient sous Daun, avait enlevé un corps de quinze cents Prussiens, près de Meissen, sur la rive droite de l’Elbe.
  3. Valette.