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qu’un homme aussi intéressé et aussi chicaneur que Girod me fera toujours, faites-moi une vente absolue de la terre que vous m’avez vendue à vie. Voyez ce que vous en voulez en deux payements. La vente ridiculement intitulée par Girod bail a vie, comme si j’étais votre fermier ad vitam, est d’ailleurs une impropriété qu’il faut corriger ; et la meilleure manière de finir ces altercations qu’il suscitera sans cesse est un contrat qui ne lui laisse plus aucun prétexte de s’ingérer dans mes possessions. Je présume que ce parti vous agréera. J’attends vos ordres, et ce dernier marché sera aussitôt conclu que l’autre. Il sera doux alors de n’avoir à vous parler que de belles-lettres.

Votre très-humble obéissant serviteur. V.


3976. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[1].
Camp près de Wilsdruf, 17 novembre.

Grand merci de la tragédie de Socrate. Elle devrait confondre le fanatisme absurde, vice dominant à présent en France, qui, ne pouvant exercer sa fureur ambitieuse sur des objets de politique, s’acharne sur les livres et sur les apôtres du bon sens.


Les frocards, les mitrés, les chapeaux d’écarlate,
Lisent en frémissant le drame de Socrate ;
L’atrabilaire amas de docteurs, de cagots,
De la raison humaine implacables bourreaux,
En pâlissant de rage, en bouffissant leur rate,
D’absurdes zélateurs vont soulever les flots.
Si des Athéniens vous empruntez les dos
Pour porter à ceux-ci quelque bon coup de patte,
Les contre-coups sont tous sentis par vos bigots.

      Déjà leur cabale est accrue
Du concours imposant des Mélites nouveaux,
Pédantesques tyrans, la honte des barreaux.
On s’empresse, on opine, et la troupe incongrue,
      En vous épargnant la ciguë.
      Pour mieux honorer vos travaux.
Élève des bûchers, entasse des fagots.

Le brasier étincelle, et déjà part la flamme
      Qu’allume la main de l’infâme,
      Pour consumer ce bel esprit,

  1. Le texte de cette lettre est conforme à celui qu’on lit dans les Œuvres de Frédéric le Grand, édition Preuss, tome III, page 171 ; Berlin, 18 33.