Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour vous, monsieur, vous vous contentez du rôle de Mécénas. Ce rôle n’est pas assurément le moins noble et le moins utile ; il mène à une sorte de gloire indépendante des événements, et il est fait pour un esprit supérieur et pour un cœur bienfaisant. Voilà la véritable gloire.


3972. — À M. GIROD[1].
12 novembre.

Vous auriez bien dû, monsieur, me parler et m’instruire avant de m’exposer à des discussions avec M. de Brosses.

1° Je vous donne avis que je suis avec lui en marché de la vente totale de la terre, marché que j’aurais fait d’abord si j’avais pu prévoir les bontés du roi[2]. Ainsi je composerai une terre de Ferney et de Tournay, dans laquelle les domaines intermédiaires seront incorporés.

2° Vous avez dû voir les bonifications immenses que j’ai faites à la terre de Tournay. Ce que j’ai entrepris dans la lisière de la forêt est peut-être la meilleure amélioration. Car, excepté la petite avance du bois qui intercepte les prés, le reste de cette lisière est très-clairsemé ; il n’y a presque que des pins ; ils ôtent le soleil à un grand champ qui n’a jamais rien produit. Je couvre ce champ de la terre des fossés, que je tire dans la forêt ; je l’augmente du terrain qu’occupaient ces pins, et j’en fais une pièce d’un excellent rapport.

Quant à cette petite langue de bois qui intercepte les prairies, je sais que le projet a toujours été de la couper pour bonifier et agrandir ces prés. J’ai fait en conséquence creuser un profond fossé pour sécher ces bas prés qui, avec le temps et par la négligence des fermiers, sont devenus des marais ; en un mot, j’ai fait des dépenses immenses, uniquement pour le bien de la terre.

J’y ai mis en réparations plus de quinze mille livres en six mois, sans compter les frais de l’exploitation. Il serait bien odieux que, pour seule récompense du bien que j’ai fait, et d’un bien dont il n’y a point d’exemple, je ne recueillisse que des plaintes et des difficultés.

J’attends, pour terminer toutes ces tracasseries, indignes de M. de Brosses et de moi, une procuration de sa part pour la

  1. Editeur, Th. Foisset.
  2. Brevet d’exemption de droits pour sa terre de Ferney.