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3932. — À MADAME DE LA COUR[1].
Au château de Tournay, par Genève, 26 septembre.

Madame, je vois, à la fermeté de vos idées, que vous êtes Anglaise, et à votre style, qu’il faut ambitionner votre suffrage. Vous me rendez justice quand vous dites que j’aime la vérité. Je ne passe pas pour être flatteur, et, lorsque je parlai du siège de Pondichéry, dans l’Histoire universelle, je n’en parlai que sur les nouvelles publiques, confirmées par l’honneur que le roi fit à M. Dupleix de lui donner le grand cordon de Saint-Louis, quoiqu’il ne fût pas militaire. Je devais croire que le service était réel, puisque les récompenses étaient si grandes ; et la conservation de Pondichéry est un fait assez important pour que l’histoire en fasse mention.

Ce même amour pour la vérité, joint à mon horreur contre la persécution, m’a fait prendre le parti de M. de La Bourdonnais. L’un avait défendu Pondichéry, l’autre avait pris Madras ; et j’ai donné la préférence au vainqueur de Madras, parce qu’il était injustement persécuté. Je me flatte que ces sentiments ne vous déplairont pas. S’il est prouvé que je me suis trompé, vous pouvez être très-sûre, madame, que je me rétracterai dans la nouvelle édition qu’on va faire de l’Histoire générale. Si vous daignez, madame, me communiquer vos mémoires sur les choses qui peuvent vous intéresser, ils seront pour moi de nouveaux moyens de trouver la vérité, que je cherche en tout, et à laquelle je sacrifie. Je voudrais bien que mes sentiments me donnassent quelques droits à votre estime.

J’ai l’honneur d’être, avec respect, madame, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire,
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

3933. — À MADAME D’ÉPINAI.

L’ami Hume[2] me vient, madame ; je vous remercie de votre bonté, et je vous supplie de contremander votre autre Hume. Mais j’ai l’honneur de vous avertir que je fais plus de cas de votre conversation que de tous les Hume du monde, et qu’il est fort triste pour moi que vous habitiez une ville. Tous les philosophes

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Il s’agit sans doute ici de quelque ouvrage philosophique de David Hume