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3899. — À M. TRONCHIN, DE LYON[1].
Délices, 2 août.

Grâce à mon frontispice d’ordre ionique, à des pièces d’eau, à des fontaines, à des terres qui coûtent beaucoup et rapportent peu, et à plus de soixante personnes à nourrir par jour, attendez-vous qu’avant qu’il soit peu nous serons réduits à cinquante mille écus. Mais aussi nous aurons un petit théâtre à Tournay, et vos prêtres viendront, s’ils veulent, nous voir jouer la comédie, que nous jouons mieux qu’eux. On va donc jouer la pièce de la descente en Albion. Je crains toujours pour le dénoûment.


3900. — À MADAME D’ÉPINAI.

Si Dieu vous a inspirée, si vous avez fait usage de votre imprimerie de poche, vous avez fait une action très-méritoire. Il faut extirper l’infâme, du moins chez les honnêtes gens. Elle est digne des sots ; laissons-la aux sots, mais rendons service à notre prochain. Ma chère philosophe, je n’irai point à Lausanne si vous daignez venir aux Délices.


3901. — À MADEMOISELLE FEL[2].
Aux Délices, 7 août.

Très-aimable rossignol, l’oncle et la nièce, ou plutôt la nièce et l’oncle, avaient besoin de votre souvenir. Les gens qui n’ont que des oreilles vous admirent ; ceux qui, avec des oreilles, ont du sentiment, vous aiment. Nous nous flattons d’avoir de tout cela. Et sachez, malgré toute votre modestie, que vous êtes aussi séduisante quand vous parlez que quand vous chantez. La société est le premier des concerts, et vous y faites la première partie. Nous savons bien que nous ne jouirons plus de votre commerce, dont nous avons senti tout le prix ; les habitants des bords de notre lac ne sont pas faits pour être aussi heureux que ceux des bords de la Seine. Voici ce que notre petit coin des Alpes dit de vous :


De rossignol pourquoi porter le nom ?
est bien vrai qu’ils ont été ses maîtres ;

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Marie Fel, née à Bordeaux en 1716, débuta à l’Opéra en 1733, et fit les délices du public jusqu’en 1759, année où elle se retira. (Cl.)