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2590. — À M. LE BARON DE FREYTAG[1].
21 juin.

Je vous conjure, monsieur, d’avoir pitié d’une femme qui a fait deux cents lieues pour essuyer de si horribles malheurs. Nous sommes ici très-mal à notre aise, sans domestiques, sans secours, entourés de soldats. Nous vous conjurons de vouloir bien adoucir notre sort. Vous avez eu la bonté de nous promettre de nous ôter cette nombreuse garde. Souffrez que nous retournions au Lion-d’Or, sous notre serment de n’en partir que quand Sa Majesté le roi de Prusse le permettra. Il y a là un petit jardin nécessaire pour ma santé, où je prenais des eaux de Schwalbach. Tous nos meubles y sont encore, nous payons à la fois deux hôtelleries, nous espérons que vous daignerez entrer dans ces considérations. Au reste, monsieur, j’avais toujours cru que tout serait fini quand le volume de Sa Majesté serait revenu, et je le croyais avec d’autant plus de raison que M. Rücker avait proposé de me faire laisser caution pour sûreté du retour de la caisse. Voilà ce que j’avais eu l’honneur de vous dire hier. Enfin, monsieur, je vous prie d’excuser les fausses terreurs qu’on m’avait données. Soyez très-persuadé que ni ma nièce, ni M. Colini, ni moi, nous ne sortirons que quand il plaira à Sa Majesté. Nous n’avons ici aucun secours, même pour écrire une lettre. Pardonnez, je vous prie, et ne nous accablez pas. Mme Denis a vomi toute la nuit, elle se meurt. Nous vous demandons la vie.


2591. — À M. LE BARON DE FREYTAG,
ministre de sa majesté prussienne,
et m. schmid, son conseiller[2].
Francfort, 21 juin.

Messieurs, j’ai exécuté les ordres que vous m’avez donnés de la part du roi votre maître.

Vous nous laissez encore deux soldats. Nous vous supplions, ma nièce et moi, de nous en délivrer. Ayez pitié de ma maladie, qui demande que je respire l’air. Je promets encore sous serment que si je retrouve jamais quelques lettres de Sa Majesté, je les

  1. Éditeur, Varnhagen von Ense.
  2. Éditeur, Varnhagen von Ense.