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tandis que tout mon petit bagage est auprès de Lausanne. La vie n’est qu’un contre-temps perpétuel ; heureuse encore, quand elle n’est qu’un contre-temps.

Vous avez dit recevoir, mon cher ami, un exemplaire de l’Orphelin de la Chine par la voie de M, Gallatin[1], directeur des postes de Genève, qui s’est chargé de vous le faire parvenir. Il est bien triste que cette maudite Pucelle paraisse, après trente ans, dans le monde, à côté d’ouvrages sérieux et pleins de morale : c’est un contraste qui afflige ma vieillesse.

Vous savez que, sur le réquisitoire du conseil de Genève, Bousquet a été obligé de donner l’original de ce Mémoire scandaleux et calomnieux de Grasset, qu’il avait répandu dans Lausanne. Le conseil de Genève vient de donner un décret de prise de corps contre Grasset. C’est là une réfutation assez authentique ; mais il est triste d’en avoir eu besoin.

Je me flatte que Bousquet sera assez sage pour ne plus se servir d’un pareil homme.

Adieu, jusqu’au moment où je pourrai enfin jouir de Monrion et de votre société. Adieu, mon cher philosophe ; Mme Denis et moi nous présentons nos obéissances à celle qui fait la douceur de votre vie, et à qui vous le rendez si bien.


3029. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 27 septembre.

Vous devez, monseigneur, avoir reçu mes magots, depuis la lettre dont vous m’avez honoré. J’avais adressé le premier exemplaire[2] sortant de la presse, à M, Pallu[3], sous l’enveloppe de M. Rouillé. Je ne crois pas qu’il y ait aucune négociation avec la Chine qui ait pu empêcher que le paquet vous ait été rendu. Tout a été fait un peu à la hâte, de ma part, et je vous demande très-sérieusement pardon de vous offrir une pièce que j’aurais pu rendre, avec le temps, moins indigne de vous ; mais on ne fait pas toujours tout ce qu’on voudrait. Je ne vous parlerai plus de votre procès, puisque vous l’avez oublié ; mais vous ne m’em-

  1. La famille Gallatin (et non Galatin) est fort connue à Genève. Un de ses membres, J.-L. Gallatin, mort en 1783, fut, comme médecin, l’un des disciples les plus distingués de Tronchin.
  2. Un premier exemplaire avait été envoyé à Bertrand le 12 septembre : voyez lettre 3011, et aussi 3012.
  3. Conseiller d’État depuis 1749, beau-frère de Rouillé, alors ministre et secrétaire d’État.