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sentation dans Paris. Un peu de fermeté, quelques vers retranchés, suffiront pour faire passer la pièce au tribunal de ce parterre si indocile ; mais, au nom de Dieu, que mon ouvrage soit imprimé comme je l’ai fait. Mon cher ange, j’exige cette justice de votre amitié.

Quant à M. de Malesherbes, il a tort, et il faut avoir le courage de lui faire sentir qu’il a tort ; il n’y a que votre esprit aimable et conciliant qui puisse réussir dans cette affaire. N’y êtes-vous pas intéressé ? Quoi ! un Ximenès vole des manuscrits, et ce lâche insulte ! et il vous traite d’espèce ! et M. de Malesherbes a protégé ce vol ! Contre qui ? contre celui que ce vol pouvait perdre. Parlez, parlez avec le courage de votre probité, de votre honneur, de votre amitié. Les hommes sont bien méchants ! Vous avez le droit de vous élever contre eux ; c’est à la vertu d’être intrépide. Je vous embrasse mille fois. Comment va le pied de madame d’Argental ? Je vous envoie, par M. de Malesherbes même, l’édition de Genève. Prault n’aura rien. Lambert aura la France, les comédiens auront mon travail. Il ne me reste que les tracasseries, mon cher ange ; vos bontés l’emportent sur tout.


3015. — À M. DE MALESHERBES[1].
Aux Délices, 12 septembre.

J’ai l’honneur, monsieur, de vous envoyer le premier exemplaire d’une pièce représentée loin de moi, et imprimée sous mes yeux. Je vous dois cet hommage. J’ai fait don de la pièce au sieur Lambert pour la France, et aux Cramer pour les pays étrangers. Je n’ai d’autres intérêts avec les libraires et les comédiens que celui de leur être utile. Le seul prix de tous mes travaux est votre suffrage, et celui de tous les hommes qui pensent comme vous.

Vous sentez, monsieur, combien la conversation que M. l’abbé Mignot a eue avec vous a pénétré de douleur Mme Denis, et moi, et toute ma famille. Je n’ai appris que fort tard cette cruelle affaire, que Mme Denis me tenait cachée dans ma dernière maladie. Jugez quelle dut être ma crainte, quand elle me dit qu’on imprimait à Paris une partie de l’histoire du roi, que le ministre m’avait recommandé de tenir longtemps secrète. Et quelle histoire encore ? des mémoires informes, des minutes de

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.