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qu’ils ont fabriquées. Je l’ai fait guetter à Lausanne ; il est venu à Genève, je l’ai fait mettre en prison. J’ai ici quelques amis, et on n’y troublera point mon repos impunément.

Adieu, mon ancien ami ; vous auriez trouvé ma retraite charmante l’été, et l’hiver il ne faut pas quitter le coin de son feu. Tous les lieux sont égaux quand il gèle ; mais dans les beaux jours je ne connais rien qui approche de ma situation. Je ne connaissais ni ce nouveau plaisir, ni celui de semer, de planter, et de bâtir. Je vous aurais voulu dans ce petit coin de terre. J’y suis très-heureux ; et si les calomnies de Paris venaient m’y poursuivre je serais heureux ailleurs.

Je vous embrasse. Quid novi ?


2972. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
4 août.

Mon cher ange, je voudrais encore vernir mes magots ; mais tout ce qui arrive à Jeanne gâte mes pinceaux chinois. C’est ma destinée que la calomnie me poursuive au bout du monde. Elle vient me tourmenter au pied des Alpes. Vous ai-je mandé que ce coquin de Grasset était venu dans ce pays-ci, chargé de cet impertinent ouvrage, avec des vers contre la France, contre la maison régnante, contre M. de richelieu ? Ceux qui l’ont envoyé, sachant que j’étais auprès de Genève, n’ont pas manqué de faire paraître Calvin[1] dans cette rapsodie : cela fait un bel effet, du temps de Charles VII. Il est très-certain que ce Chévrier, qui avait annoncé l’ouvrage dans les feuilles de Fréron, y a travaillé ; et il est très-probable que Grasset s’entend toujours avec Corbi.

Vous voyez combien il est nécessaire que les cinq magots soient joués vite et bien ; mais comment Sarrasin peut-il se charger de Zamti ? est-ce là le rôle d’un vieillard ? On n’entendra pas Lekain. Sarrasin joue en capucin. Serai-je la victime de l’orgueil de Grandval, qui ne veut pas s’abaisser à jouer Zamti ? Mon divin ange, je m’en remets à vous ; mais, si mes magots tombent, je suis enterré.

Je vois enfin que vous avez perdu ces malheureux soupçons que vous aviez de moi sur un pucelage[2] ; Dieu soit béni ! Thieriot-Trompette me mande qu’il y avait, dans le seul premier chant qui court à Paris, cent vingt-quatre vers falsifiés. Tout ce qu’on

  1. Variantes du chant V.
  2. Allusion au chant de l’âne. Voyez les variantes du chant XXI.