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pas, il le vendrait à d’autres. Pour me faire connaître le prix de ce qu’il voulait me vendre, il m’en montra une feuille écrite de sa main ; il me pria de la faire transcrire, et de lui rendre son original.

Je fus saisi d’horreur à la vue de cette feuille, qui insulte, avec autant d’insolence que de platitude, à tout ce qu’il y a de plus sacré. Je lui dis, en présence de M. Cathala, que ni moi, ni personne de ma maison, ne transcririons jamais des choses si infâmes, et que si un de mes laquais en copiait une ligne je le chasserais sur-le-champ.

Ma juste indignation m’a déterminé à faire remettre dans les mains d’un magistrat cette feuille punissable, qui ne peut avoir été composée que par un scélérat insensé et imbécile.

J’ignore ce qui s’est passé depuis, j’ignore de qui Grasset tient ce manuscrit odieux ; mais ce que je sais certainement, c’est que ni vous, monsieur, ni le Magnifique Conseil, ni aucun membre de cette république, ne permettra des ouvrages et des calomnies si horribles, et que, en quelque lieu que soit Grasset, j’informerai les magistrats de son entreprise, qui outrage également la religion et le repos des hommes. Mais il n’y a aucun lieu sur la terre où j’attende une justice plus éclairée qu’à Genève.

Je vous supplie, monsieur, de communiquer ma lettre au Magnifique Conseil, et de me croire avec un profond respect, etc.


2969. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
3 août.

Oui, vraiment, vous seriez un beau Gengis, et nous n’en aurons point comme vous. Je vous sais bien bon gré d’être du métier, mon très-aimable marquis. Le travail console. Il paraît, par votre lettre à ma nièce, que vous avez besoin d’être consolé comme un autre. C’est un sort bien commun. On souffre même à Neuilly, même aux Délices. Qui croirait qu’à mon âge une Pucelle fît mon malheur, et me persécutât au bout de trente ans ? L’ouvrage court partout, accompagné de toutes les bêtises, de toutes les horreurs, que de sots méchants ont pu imaginer, de vers abominables contre tous mes amis, à commencer par M. le maréchal de Richelieu, J’ai bien fait de ne songer qu’à des Chinois ; vos Français sont trop méchants, et, sans vous et sans M. d’Argental, ces Chinois ne seraient pas pour Paris. Je bénis ma retraite, je vous regrette, et je vous aime de tout mon cœur.