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de représentations. J’en laisse tout le profit aux comédiens[1] et au libraire, et je ne me réserve que l’espérance de ne pas déplaire. Si cette pièce avait le même succès qu’Alzire, à qui Mme Denis la compare, elle servirait de contre-poison à cette héroïne d’Orléans, qui peut paraître au premier jour ; elle disposerait les esprits en ma faveur. Voilà surtout l’effet le plus favorable que j’en peux attendre. Je crois donc, dans cette idée, que le temps qui précède le voyage de Fontainebleau est celui qu’il faut prendre ; mais je soumets toutes mes idées aux vôtres.

J’envoie l’ouvrage sous l’enveloppe de M. de Chauvelin. Je vous prie, mon divin ange, de le donner à M. le maréchal de Richelieu. Qu’il le fasse transcrire, s’il veut, pour lui et pour Mme de Pompadour, si cela peut les amuser.

J’ai cru devoir envoyer à Thieriot, en qualité de trompette, cet autre ancien ouvrage dont nous avons tant parlé. J’aime bien mieux qu’il coure habillé d’un peu de gaze que dans une vilaine nudité et tout estropié. On le trouve ici très joli, très-gai, et point scandaleux. On dit que les Contes de La Fontaine sont cent fois moins honnêtes. Il y a bien de la poésie, bien de la plaisanterie, et, quand on rit, on ne se fâche point ; surtout nulle personnalité. Enfin on sait qu’il y a trente ans que cette plaisanterie court le monde. La seule chose désagréable qu’il y aurait à craindre, ce serait la liberté que bien des gens se sont donnée de remplir les lacunes comme ils ont pu, et d’y fourrer beaucoup de sottises qu’ils ont ajoutées aux miennes.

Mon cher ange, je suis bien bon de songer à tout cela. Tout le monde me dit ici que je dois jouir en paix de mon charmant ermitage ; il est bien nommé les Délices ; mais il n’y a point de délices si loin de vous. Mille tendres respects à tous les anges.


2947. — À M. DE BRENLES.
Aux Délices, 6 juillet.

M. de Bochat est bien heureux ; il y a plaisir à être mort, quand on a son tombeau couvert de vos fleurs. J’ai lu, monsieur, avec un plaisir extrême cet Éloge[2], qui fait le vôtre. Vous trouvez donc que je suis trop poli avec ma patrie. Il n’y avait pas moyen

  1. Voyez la lettre 2960.
  2. Éloge historique de M. Charles-Guillaume Louis de Bochat (né à Lausanne en 1695, mort en 1754) : Lausanne, 1755, in-8°.