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cien ami ? Arrangez-vous de bonne heure avec Mme de Fontaine ot le maître de la maison. Vous trouverez la plus belle situation de la terre, un château magnifique[1], des truites qui pèsent dix livres, et moi, qui n’en pèse guère davantage, attendu que je suis plus squelette et plus moribond que jamais. J’ai passé ma vie à mourir ; mais ceci devient sérieux, je ne peu plus écrire de ma main.

Celle main peut pourtant encore griffonner que mon cœur est à vous.


2857. — DE COLINI À M. DUPONT[2].
À Prangins, 24 janvier 1755.

Je suis bien fâché que vous ayez manqué la prévôté que vous vouliez avoir. On a mandé à M. de Vol… qu’on l’avait conférée lorsqu’il avait écrit pour vous. Cela peut être, si pourtant ça n’a pas été un prétexte pour l’en débouter avec bienséance. Les vers, cette fois-ci, n’ont pas tant opéré que la mauvaise prose d’un objet aimable ; elle l’a emporté sur


Rendez, rendez heureux l’avocat qui m’engage ;
Donnez-lui les grandeurs d’un prévôt de village, etc.


C’est Daphnis qui se moque une seconde fois d’Apollon. Vous ne m’avez pas oublié, mon cher avocat. Je languis dans mon esclavage, et je ne demande point de prévôtés pour en sortir. Faites agréer mes respects à Mme Dupont. Prenez garde aux Mandrins, et aimez un homme qui vous sera tendrement attache le reste de ses jours.


C…

2858. — À M. DE BRENLES.
À Prangins, le 27 janvier.

Un voyage que j’ai fait à Genève, monsieur, dans un temps très-rude, a achevé de me tuer. Je suis dans mon lit depuis trois jours. Il faudrait qu’il y eût sur votre lac de petits vaisseaux pour transporter les malades ; mais, puisque vous n’avez point de vais-

  1. Louis Guiger (ou Giger, on prononce Guiguer), riche banquier de. Saint-Gall, ayant acheté la baronnie de Prangins en 1723, y fit bâtir une espèce de palais, dont le principal corps, c’est-à-dire la façade, est éclairé, au premier, par treize fenêtres. Joseph Bonaparte, devenu propriétaire de ce château en juillet 1814, en habita l’aile droite, au premier, du côté de Genève, depuis le mois d’auguste suivant jusqu’au 14 mars 1815. L’appartement occupé par Voltaire, en 1754 et 1755, est aussi au premier, mais dans l’aile gauche, du côté de Lausanne. (Cl.)
  2. Lettres inédites de Voltaire, etc., 1821.