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J’imagine que vous logez toujours avec votre digne compatriote le grand abbé[1]. Je vous souhaite à tous deux des années longues et heureuses, exemptes de coliques, de sciatique, et de toutes les misères rassemblées sur mon pauvre individu.

Je vous embrasse tendrement.



2855. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Prangins, pays de Vaud, 23 janvier.

Toute adresse est bonne, mon cher et respectable ami, et il n’y a que la poste qui soit diligente et sûre ; ainsi je puis compter sur ma consolation, soit que vous écriviez par M. Tronchin à Lyon, ou par M. Fleur à Besançon, ou par M. Chappuis[2] à Genève, ou en droiture au château de Prangins, au pays de Vaud.

Dieu a puni Royer ; il est mort. Je voudrais bien qu’on enterrât avec lui son opéra, avant de l’avoir exposé au théâtre sur son lit de parade. L’Orphelin vivra peu de temps ; je ferai ce que je pourrai pour allonger sa vie de quelques jours, puisque vous voulez bien lui servir de père. Lambert m’embarrasse actuellement beaucoup plus que les conquérants tartares, et il me paraît aussi tartare qu’eux.

Je vous demande mille pardons de vous importuner d’une affaire si désagréable ; mais votre amitié constante et généreuse ne s’est jamais bornée au commerce de littérature, aux conseils dont vous avez soutenu mes faibles talents. Vous avez daigné toujours entrer dans toutes mes peines avec une tendresse qui les a soulagées. Tous les temps et tous les événements de ma vie vous ont été soumis. Les plus petites choses vous deviennent importantes, quand il s’agit d’un homme que vous aimez ; voilà mon excuse.

Pardon, mon cher ange ; je n’ai que le temps de vous dire qu’on me fait courir, tout malade que je suis, pour voir des

    et assez mal reçue d’abord. — Les Adieux d’Hector étaient sans doute Astyanax, autre tragédie du même auteur, jouée une seule fois, et sans succès, le 5 janvier 1756, (Cl.)

  1. L’abbé du Resnel, qui demeurait rue Saint-Pierre, près de la rue Notre-Dame-des-Victoires.
  2. Marc Chappuis, cité dans une lettre de Voltaire à Hume, du 24 octobre 1766. C’était sans doute un proche parent des demoiselles Chappuis, marchandes de modes à Genève, chez lesquelles Voltaire faisait adresser ses lettres, et auxquelles il en écrivit environ trente, qui jusqu’à présent (1829) sont restées inédites, (Cl.)