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été reçu avec des acclamations à l’Académie et aux spectacles. Cependant soyez très-convaincu que je regrette toujours votre conversation instructive, les charmes de votre amitié, et les bontés dont M. et Mme  de Klinglin m’ont honoré. Je vous supplie de leur présenter mes sincères et tendres respects, aussi bien qu’à monsieur leur fils, et de ne me pas oublier auprès de M. de Bruges. Permettez-moi de vous dire que vous êtes aussi injuste pour ma santé que pour l’autel de Lyon. Il y aurait je ne sais quoi de méprisable à feindre des maladies quand on se porte bien, et un homme qui a épuisé les apothicaires de Colmar de rhubarbe et de pilules ne doit pas être suspect d’avoir de la santé. Elle n’est que trop déplorable, et vous ne devez avoir que de la compassion pour l’état douloureux où je suis réduit. Au reste, soyez très-certain, mon cher monsieur, que je serai, l’année qui vient, dans votre voisinage si je suis en vie, et que j’en profiterai. Je ne suis pas le seul contre qui des jésuites indiscrets[1] aient osé abuser de la permission de parler en public. Un père Tolomas s’avisa, il y a quelques jours, de prononcer un discours aussi sot qu’insolent contre les auteurs de l’Encyclopèdie ; il désigna d’Alembert par ces mots : Homunico, cui nec est pater nec res[2]. Le même jour, M. d’Alembert était élu à l’Académie française. Le père Tolomas a excité ici l’indignation publique. Les jésuites sont ci moins craints qu’à Colmar. Le roi de Prusse vient de me reprocher le crucifix que j’avais dans ma chambre ; comment l’a-t-il su ? J’ai prié Mme  Goll de le faire encaisser, et de l’envoyer au roi de Prusse pour ses étrennes.

Adieu, monsieur ; mille respects à madame votre femme. Comptez que je vous suis tendrement attaché jusqu’au dernier moment de ma vie. Mme  Denis vous fait à tous deux les plus tendres compliments.


2827. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Lyon, le 9 décembre.

Mon cher ange, votre lettre du 3 novembre, à l’adresse de Mme  Denis, nous a été rendue bien tard, et vous avez dû recevoir toutes celles que je vous ai écrites. Le seul parti que j’aie à prendre, dans le moment présent, c’est de songer à conserver une vie

  1. Voyez une note de la lettre 2814.
  2. Horace, Art poét., 248.