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Thieriot en a vu des feuilles, qu’elle va paraître ; on écrit la même chose à Mme Denis. Fréron semble avoir annoncé cette édition. Un nommé Chévrier en parle, M. Pasquier[1] l’a lue tout entière en manuscrit chez un homme de considération avec lequel il est lié par son goût pour les tableaux. Ce qu’il y a d’affreux, c’est qu’on dit que le chant de l’âne[2] s’imprime tel que vous l’avez vu d’abord, et non tel que je l’ai corrigé depuis. Je vous jure, par ma tendre amitié pour vous, que vous seul avez eu ce malheureux chant. Mme Denis a la copie corrigée ; auriez-vous eu quelque domestique infidèle ? Je ne le crois pas. Vos bontés, votre amitié, votre prudence, sont à l’abri d’un pareil larcin, et vos papiers sont sous la clef. Le roi de Prusse n’a jamais eu ce maudit chant de l’âne de la première fournée. Tout cela me fait croire qu’il n’a point transpiré, et qu’on n’en parle qu’au hasard. Mais si ce chant trop dangereux n’est pas dans les mains des éditeurs, il y a trop d’apparence que le reste y est. Les nouvelles en viennent de trop d’endroits différents pour n’être pas alarmé. Je vous conjure, mon cher ange, de parler ou de faire parler à Thieriot. Lambert est au fait de la librairie, et peut vous instruire. Ayez la bonté de ne me pas laisser attendre un coup après lequel il n’y aurait plus de ressource, et qu’il faut prévenir sans délai. Je reconnais bien là ma destinée ; mais elle ne sera pas tout à fait malheureuse si vous me conservez une amitié à laquelle je suis mille fois plus sensible qu’à mes infortunes. Je vous embrasse bien tendrement ; Mme Denis en fait autant. Nous attendons de vos nouvelles avant de prendre un parti.


2812. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Colmar, le 7 novembre.

Voici, monseigneur, une lettre que Mme Denis reçoit aujourd’hui. On m’en écrit quatre encore plus positives. Ce n’est pas là un rafraîchissement pour des malades. J’ai bien peur de mourir sans avoir la consolation de vous revoir. Nous sommes forcés

  1. Conseiller au parlement, première chambre des enquêtes, inventeur du bâillon que l’on mit à la bouche de Lally, en 1766 ; aïeul d’un ministre de la justice, sous le règne de Louis XVIII. (Cl.)
  2. Voyez, tome IX, dans les variantes du chant XXI, la version qui, dans les premières éditions, formait tantôt le XVe tantôt le XVIIe , tantôt le XXe (mais toujours le dernier chant).