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de la jouer, car la Pandore de Royer est toute différente de la mienne, et je veux du moins que ces deux turpitudes soient bien distinctes. Je vous supplie d’encourager Lambert à cette bonne action, quand vous irez à la Comédie. Je vous remercie tendrement de Mahomet et de Rome. Vous consolez mon agonie. Mme Denis et moi, nous nous inclinons devant les anges. Adieu, mon cher et respectable ami.


2791. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
À Colmar, ce 23 septembre.

Je ne guéris point, madame, mais je m’habitue à Colmar plus que la grand’chambre à Soissons. Les bontés de monsieur votre frère[1] contribuent beaucoup à me rendre ce séjour moins désagréable. Je serais heureux dans l’île Jard, mais cette île Jard me suit partout. Vous avez deux neveux[2] aussi à plaindre qu’ils sont aimables : l’un plaide, l’autre est paralytique. Je ne vois de tous côtés que désastres au monde. La langueur, la misère, et la consternation, régnent à Paris. Il y a toujours quelques belles dames qui vont parer les loges, et des petits-maîtres qui font des pirouettes sur le théâtre ; mais le reste souffre et murmure. Il y a un an que j’ai de l’argent aux consignations du parlement ; le receveur jouit. Combien de familles sont dans le même cas, et dans une situation bien triste ! On exige, dans votre province, de nouvelles déclarations qui désolent les citoyens ; on fouille dans les secrets des familles ; on donne un effet rétroactif à cette nouvelle manière de payer le vingtième, et on fait payer pour les années précédentes. Voilà bien le cas de jeûner et de prier, et d’avoir des lettres consolantes de M. de Beaufremont. Il n’est pas plus question de la préture de Strasbourg que des préteurs de l’ancienne Rome. Vivez tranquille, madame, avec votre respectable amie[3], à qui je présente mes respects. Faites bon feu ; continuez votre régime : cette sorte de vie n’est pas bien animée, mais cela vaut toujours mieux que rien. Si vous avez quelques nouvelles, daignez en faire part à un pauvre malade enterré à Colmar. Permettez-moi de présenter mes respects à monsieur votre fils, et de vous souhaiter, comme à lui, des années heureuses, s’il y en a.

  1. Le président de Klinglin.
  2. Le baron d’Hattsatt et le chevalier de Klinglin.
  3. Mme de Brumath.