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ma destinée ; si je l’étais, soyez sûr que je partirais demain, malgré mes maladies et malgré les neiges, et que je viendrais achever ma vie à Lausanne. Une lettre de M. de Brenles, que j’ai vue ces jours-ci, augmente bien mon désir de voir votre ville ; je ne peux vous offrir, dans le moment présent, que des désirs et des regrets très-sincères. Je me flatte encore qu’il n’est pas impossible que je vienne vous voir ; mais il faut ne point déplaire à mon roi, il faut un voyage sans aucun éclat. Il y a six mois que je garde la chambre à Colmar ; mon âge et mon goût demandent la solitude. Je la voudrais profonde, je la voudrais ignorée : heureux celui qui vit inconnu ! Je vous embrasse de tout mon cœur.


Voltaire.

5721. — À M. DUPONT.
avocat.
Le 19 mars.

Il est clair que le sonnet de l’Avorton fut composé par Hesnaut en 1670, puisqu’il se trouve dans son propre recueil, imprimé cette année, qui fut l’époque[1] de la malheureuse aventure de cette fille d’honneur.

Ce fut deux ans après qu’on substitua douze dames du palais aux douze filles.

Le savant Anglais ne sait ce qu’il dit, et le savant Bayle a ramassé bien des pauvretés indignes de lui.


2722. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Colmar, le 21 mars.

Mon cher et respectable ami, je reçois votre lettre du 17 mars. Elle fait ma consolation, et j’y ajoute celle de vous répondre. C’est bien vous qui parlez avec éloquence de l’amitié ; rien n’est plus juste. À qui appartient-il mieux qu’à vous de parler de cette vertu, qui n’est qu’une hypocrisie dans la plupart des hommes, et qu’un enthousiasme passager dans quelques-uns ?

Les malheurs d’une autre espèce qui m’accablent ne me permettent pas de m’occuper des autres malheurs qui sont le partage des gens qu’on nomme heureux. Si j’ai le bonheur de

  1. Voyez la note, tome XIV, page 461.