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2647. — À M. DE CHENEVIÈRES[1].
Auprès de Strasbourg, le 14 septembre.

Je réponds bien tard, mon ami, et en vile prose, à votre aimable lettre chamarrée de jolis vers, et c’est encore beaucoup pour moi de faire de la prose ; je ne puis me servir de ma main. J’ai, quoi qu’en disent les malintentionnés, les mains si enflées que je ne puis tenir une plume. Vous vous servez très-bien de la vôtre ; vous peignez à merveille les gens qui m’ont achevé de peindre. Le palais d’Alcine n’était, au fond, qu’une retraite de bêtes farouches, et Alcine, qui paraissait une belle grande dame bien faite, n’était qu’une petite vieille rabougrie.

Je ne sais pas trop quand ma santé et ma situation me permettront de venir vous revoir. Je serais bien charmé de me retrouver entre vous et ma nièce.

Pardonnez à un pauvre malade d’écrire si peu et si mal.


2648. — À M. D’ALEMBERT.

J’ai obéi comme j’ai pu à vos ordres ; je n’ai ni le temps, ni les connaissances, ni la santé qu’il faudrait pour travailler comme je voudrais. Je ne vous présente ces essais que comme des matériaux que vous arrangerez, à votre gré, dans l’édifice immortel que vous élevez. Ajoutez, retranchez ; je vous donne mes cailloux pour fourrer dans quelques coins de mur. J’ose croire que tous les sujets in medio positi[2], qui sont si connus, si rebattus, sur lesquels il y a si peu de doutes, sur lesquels on a fait tant de volumes, doivent être, par ces raisons-là même, traités un peu sommairement. On pourrait faire un in-folio sur ce seul mot Littérature. Si vous voulez que je parle des littérateurs italiens et espagnols, il faut donc que je m’étende sur les français ; il faudrait encore que j’eusse des livres espagnols et italiens, et je n’en ai pas un.

Muratori, outre ses immenses collections historiques, a écrit de la Perfection de la poésie italienne[3] ; il a fait des observations sur Pétrarque. l’Histoire de la poésie italienne[4] ; par Crescimbeni, m’a

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Ovide, Métam., X, 168.
  3. Della Perfetta Poesia italiana.
  4. Istoria delta volgar poesia.