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la vostra bella mano con un più grande e saporito piacere. Ah ! signoro amabile, signore cortese et bravo, la vita si perde, si consuma, e la speranza ancora si distrugge[1].

Est-ce que vous seriez assez bon pour vouloir bien me mettre aux pieds de Mme  de Pompadour, quand vous n’aurez rien à lui dire ? Pardon, monseigneur, de la liberté grande[2]. Il y a dans Paris force vieilles et illustres catins à qui vous avez fait passer de joyeux moments, mais il n’y en a point qui vous aime plus que moi. Je crois que la première conversation que j’aurais l’honneur d’avoir avec vous serait assez amusante. Non, ce serait la seconde : car, à force de plaisir, je ne saurais ce que je dirais dans la première.

À propos, je suis bien malade ; daignez vous en souvenir. Il n’y a que mes ennemis qui disent que je me porte bien. Intanto con ogni ossequio, etc.


2646. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG#[3].
Auprès de vous, le 14 septembre.

Je vous demande pardon, madame, de ne vous avoir pas parlé de votre digne et aimable fils[4] ; mais ce qui est dans le cœur n’est pas toujours au bout de la plume, surtout quand on écrit vite et qu’on est malade. J’ai eu l’honneur de lui faire ma cour quand il était à Lunéville, possesseur d’une femme qu’il doit avoir bien regrettée ; mais il lui reste une mère dont il fait la consolation, et qui doit faire la sienne. Peut-être aurais-je le bonheur de vous voir tous deux avant que je quitte ce pays-ci. Avouez donc, madame, que je suis prophète de mon métier, et que je ne suis pas prophète de malheur. Non-seulement j’avais lu le Mémoire de M. de Klinglin, mais encore un autre, qui est très-secret, et vous voyez que je n’avais pas mal conclu. J’espère encore que M. de Klinglin viendra exercer ici sa préture, malgré

  1. Traduction : Et pourquoi non ? Un grand roi m’a baisé la main, oui, la main nue, pour me décider à rester dans son palais d’Alcine. Et moi, je baiserais votre belle main avec un plus grand et savoureux plaisir. Ah ! seigneur aimable, seigneur courtois et brave, la vie se perd, se consume, et l’espérance elle-même se détruit.
  2. Mémoires de Gramont. chap. iii.
  3. Cette lettre, quoique imprimée dans l’édition de Kehl, fut mutilée par la censure impériale en 1812. (B.)
  4. François Walter, comte de Lutzelbourg, né en 1707, nommé maréchal-de-camp le 1er janvier 1748.