Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je ne sais si Votrr Altesse sérénissime a entendu parler d’un portrait de la vie privée de Potsdam et de la cour de Berlin. Dieu merci, la cour de Versailles sait bien que je n’en suis pas l’auteur. On l’attribue à milord Tyrconnell ; mais il n’est pas de lui ; il a bien l’air d’être de La Beaumelle ; il y a du vrai, il y a du faux. Si Votre Altesse sérénissime veut le voir, je le lui enverrai par Mulh.

Je me mets aux pieds de toute votre auguste famille. Je supplie la grande maîtresse des cœurs de ne me jamais oublier. Mon cœur, madame, est toujours gros de regrets, et je soupire avec le plus profond respect.


2645. — À. M. LE MARÉCHAL, DUC DE RICHELIEU.
À Strasbourg, ou tout auprès, le 7 septembre.

Mais vraiment, monseigneur, cela est assez extraordinaire. Quoi ! pour l’Œuvre de poëshie ! Les vers sont donc une belle chose ! Je les ai toujours aimés à la folie, quand ils sont bons ; mais ma pauvre nièce ! qu’allait-elle faire dans cette galère[1] ? Les gens qui disent que tout cela s’est passé de nos jours ont grand tort : l’aventure est du temps de Denis de Syracuse. Je suis au désespoir de ne vous point faire ma cour. Le temps se passe, et je ne me consolerais pas d’être mort sans avoir eu l’honneur de vous entretenir. Et le voyage d’Italie, et Saint-Pierre de Rome, et la ville souterraine, n’avez-vous pas quelque envie de les voir ? et ne pourrait-on pas venir recevoir vos ordres dans le chemin, et n’iriez-vous pas faire un cours a Montpellier ? Un beau soleil et vous, vous êtes mes dieux. Il serait doux de les voir de près. J’aime ceux qui échauffent et qui éclarent, et non pas ceux qui brûlent[2].

Je joins les sentiments de la plus tendre reconnaissance à un attachement d’environ quarante années ; mais j’ai des passions malheureuses, et la jouissance de l’objet aimé m’est interdite par ordre du médecin. Si votre belle imagination trouve quelque tournure pour que je puisse baciarvi la mano, quand vous irez à Montpellier, ce serait pour moi l’heure du berger. E perché no ? Un grand re[3] m’a baciato la mano, a me, si, la brutta mano, per incitarmi a rimanere nel suo palazzo d’Alcina. Ed io bacieró

  1. Molière, Fourberies de Scapin. II. i.
  2. Allusion à la brûlure de la Diatribe d’Akakia.
  3. Voyez la lettre 2535.