Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faites à Paris de fréquents voyages, et que, si vous vous exilez[1] par respect humain, vous revenez voir vos amis par goût. J’ignore parfaitement quand j’aurai la consolation de vous embrasser de mes mains potelées. Je crois que, si vous me voyez en vie, vous me mettrez à mal, cela veut dire que vous me feriez faire encore une tragédie. L’électeur palatin m’a fait la galanterie de faire jouer quatre de mes pièces. Cela a ranimé ma vieille verve ; et je me suis mis, tout mourant que je suis, à dessiner le plan d’une pièce nouvelle[2], toute pleine d’amour. J’en suis honteux ; c’est la rêverie d’un vieux fou. Tant que j’aurai les doigts enflés à Strasbourg, je ne serai pas tenté d’y travailler ; mais, si je vous voyais, mon cher ange, je ne répondrais de rien.

Comment se porte Mme  d’Argental ? comment vont vos amis, vos plaisirs, votre Pontoise ? Avez-vous vu ma pauvre nièce[3], le martyr de l’amitié et la victime des Vandales ? N’avez-vous pas été bien ébaubi ? L’aventure est unique. Jamais Parisienne n’avait été encore mise en prison, chez les Bructères, pour l’œuvre de poëshie d’un roi des Borusses. Certes le cas est rare.

Mon ange, tout ce que vous voyez vous rendra plus philosophe que jamais. Si je vous disais que je le suis, me croiriez-vous ? Je n’en crois rien, moi. Cependant, depuis Gotha jusqu’à Strasbourg, de princes en Yangois[4], et de palais en prison et cabarets, j’ai tranquillement travaillé cinq heures par jour au même ouvrage÷[5]. J’y travaille encore avec mes doigts enflés, qui vous écrivent que je vous aime tendrement.


2637. — DE FREDERSDORFF AU BARON FREYTAG[6].
Potsdam, den 18 August 1753.

Aus Euer Hochwohlgeboren Schreiben vom 7. hujus sowohl, als auch aus denen zwei beigefügten Briefen habe hinlänglich ersehen, was Dieselben wegen de Voltairischen Sachen bereits für Verdriesslichkeiten ausgestanden, und auch noch ausstehen müssen. Ich habe aber die Ehre darauf in ergebenster Antwort zu vermelden, dass Euer Hochwohlgeboren gar nicht Ur

  1. D’Argenlal était conseiller d’honneur de la grand’chambre, exilée à Pontoise, par Louis XV, depuis le 10 mai 1753.
  2. L’Orphelin de la Chine.
  3. Mme  Denis n’avait quitté Francfort que le 8 ou le 9 juillet, et elle était retournée directement à Paris.
  4. Allusion à une des malencontreuses excursions de don Quichotte.
  5. Les Annales de l’Empire.
  6. Éditeur, Varnhagen von Ense.