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Mme Denis écrit au roi de Prusse, le 22, un détail de ces violations atroces du droit des gens.

Cependant Schmith, Freytag, et Dorn, viennent dans la prison, signifient aux prisonniers qu’ils doivent payer 128 écus d’Allemagne par jour pour leur détention, et leur présentent un écrit à signer par lequel les prisonniers jureront de ne parler jamais de ce qui s’est passé.

Dorn leur donne aussi une requête allemande à présenter à Leurs Excellences Freytag et Schmith ; moyennant quoi, dit-il, ils seront élargis. Il reçoit deux carolins ou environ pour cette requête, elle est déposée au greffe de la ville.

Les prisonniers présentent requête au magistrat. La dame est élargie le 25 ; le sieur de Voltaire reste prisonnier avec des soldats. Le 5 juillet, la dame Denis reçoit réponse au nom du roi de Prusse par l’abbé de Prades. La lettre contient : que la dame Denis n’a jamais dû être arrêtée, et que le sieur Freytag a seulement eu ordre de redemander au sieur de Voltaire les poésies imprimées de Sa Majesté, et de le laisser partir.

Le 6 juillet, Freytag et Schmith, sans rendre aucune raison, consentent que le sieur de Voltaire soit élargi ; et le magistrat alors lui ôte ses soldats, avec la permission de Schmith. Le 7 au matin, le nommé Dorn ose revenir chez la dame Denis et le sieur de Voltaire, feignant de rapporter une partie de l’argent que le sieur Schmith avait volé dans les poches du sieur de Voltaire et du sieur Colini ; puis il va au conseil de la ville faire rapport qu’il a vu passer le sieur de Voltaire avec un pistolet, et prendre ce prétexte pour que Schmith et lui gardent l’argent. Deux notaires jurés, qui étaient présents, ont beau déposer sous serment que ce pistolet n’avait ni poudre, ni plomb, ni pierre, qu’on le portait pour le faire raccommoder ; en vain trois témoins déposent la même chose.

Le sieur de Voltaire est forcé de sortir de Francfort avec sa nièce et le sieur Colini, tous trois volés et accablés de frais, obligés d’emprunter de l’argent pour continuer leur route. On a volé au sieur de Voltaire papiers, bagues, un sac de carolins, un sac de louis d’or, et jusqu’à une paire de ciseaux d’or et de boucles de souliers.

La ville de Francfort n’a point été surprise de ces horreurs. Elle sait que le nommé Freytag, soi-disant ministre du roi de Prusse, est un fugitif de Hanau, condamné à la brouette à Dresde, et qui a reçu publiquement des coups de bâton à Francfort par le comte de Wasco, colonel au service de Sa Majesté impériale,