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bien mécontent de moi, et sans doute vous me pardonnerez. Ah ! mon divin ami, je ne recommencerai à penser que quand je vous verrai. Adieu, la plus aimable et la plus respectable société qui soit au monde.


2021. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Reims, le 5 au soir, en arrivant.

S’il n’y avait à Paris que votre maison, j’aurais volé, mon cher et respectable ami, et ma mauvaise santé ne m’aurait pas retenu ; mais je vous avoue que j’ai craint la curiosité de bien des personnes qui aiment à empoisonner les plaies des malheureux, et j’ai beaucoup redouté Paris. Il fallait absolument, mes chers anges, mettre un temps entre le coup qui m’a frappé et mon retour. Permettez-moi de ne partir que mercredi prochain[1], et d’arriver à très-petites journées. Je ne peux guère faire autrement, parce que je voyage avec mon équipage. Mais, mon Dieu, que la santé de Mme d’Argental m’inquiète ! cela est bien long ! J’admire son courage, mais son état me désespère. Me voici à Reims ; mais mon cœur, qui va un autre train que moi, est avec vous, il est dans votre petite maison d’Auteuil. Je suis bien content que vous le soyez un peu plus de l’ouvrage de ma nièce ; mais je serais désolé qu’elle se mît dans le train de donner au public des pièces médiocres. C’est le dernier des métiers pour un homme, et le comble de l’avilissement pour une femme. Adieu, encore une fois, la consolation de ma vie. Mille tendres respects à toute votre société : mais que Mme d’Argental, qui en fait le charme, se porte donc mieux !


2022. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Reims, le 8 octobre.

J’ai cru pouvoir, mes chers anges, adoucir un peu mon état en songeant à vous plaire. J’ai fait copier à Reims Catilina, qui était trop plein de ratures pour pouvoir vous être montré à Paris. Je ne peux me refuser au petit plaisir de vous dire que j’ai trouvé dans Reims un copiste qui a voulu d’abord lire l’ouvrage avant de se hasarder à le transcrire ; et voici ce que mon écrivain m’a

  1. C’est-à-dire le 8 octobre.