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il eût été mieux d’attendre le retour de M. de Richelieu ; mais à présent il ne faut plus qu’elle s’avilisse à postuler des désagréments. Cela n’est bon que pour moi, vieux pilier de théâtre, vieux Pellegrin qui ai toute honte bue. Je lui envoie lettres pour M. de Richelieu, requête en forme, et mes sentiments au tripot ; cela fait, je remets cette juste cause entre les mains de Dieu.

J’ai fait à Zulime tout ce que m’ont permis Louis XIV et Louis XV, auxquels j’ai donné presque tout mon temps, en bon et loyal sujet. Mettez-moi toujours aux pieds de Mme  la duchesse du Maine[1]. C’est une âme prédestinée, elle aimera la comédie jusqu’au dernier moment ; et, quand elle sera malade, je vous conseille de lui administrer quelque belle pièce au lieu d’extrême-onction. On meurt comme on a vécu ; je meurs, moi qui vous parle, et je griffonne plus de vers que Lamotte-Houdard, et plus de prose que La Mothe le Vayer. Si je faisais des vers comme vous les récitez, je travaillerais pour vous du soir au matin. Aimez-moi, si vous pouvez, autant que vous êtes aimable.


2487. — À M. FORMEY.

En vérité, monsieur, je ne vous croyais pas Suisse. Un illustre théologien[2] de Bâle écrit que milord Bolinghroke a eu la ch…, et de là il tire la conséquence évidente que Moïse est l’auteur du Pentateuque. On prétend que de bonnes lois et de bonnes troupes ne valent rien, si l’on n’a pas une foi vive pour les dogmes de Zwingle[3] et de Calvin. Or, comme Titus, Marc-Aurèle, Trajan, Nerva, Julien, etc., etc., avaient le malheur de ne croire pas plus à Zwingle qu’au pape, et que cependant tout allait assez bien de leur temps, on a cru à Potsdam ne devoir pas être tout à fait de l’avis du révérend docteur suisse. Le chapelain[4] de milord Chesterfield a pris en bon chrétien la cause de milord Bolinghroke, il l’a défendue dans une lettre pieuse et modeste. La traduction est parvenue ici avec la permission des supérieurs. Le roi a beaucoup ri : faites-en de même. Il paye bien les docteurs, et se moque des disputes théologiques, métaphysiques, phoronomiques, et dynamiques. Soyez très-tranquille, vivez gaiement de l’Évangile et de

  1. Morte le 23 janvier suivant.
  2. J.-J. Zimmermann, né en 1695, mort en 1756.
  3. Le véritable nom est Zwingli. (Cl.)
  4. Ce chapelain est Voltaire lui-même ; voyez, tome XXIII, page 547, la Défense de milord Bolinghroke.