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indifférent au public et à ceux qui le gouvernent. Il n’y a que mon amitié qui en souffre. Mes amis, qui connaissent mon cœur, doivent me plaindre, et non pas me gronder. Je vous embrasse de tout mon cœur.


2446. — À M. DE VAUX,
à nancy.
À Potsdam, le 7 octobre.

Ce n’est point ma paresse, monsieur, mais ma mauvaise santé qui a retardé ma réponse, et qui m’empêche même de vous écrire de ma main. Je crois que j’aurais grand besoin d’aller faire un tour aux eaux de Plombières, dans votre voisinage. Le désir de faire encore ma cour au roi de Pologne, et de vous revoir, fera mon principal motif. Je voudrais bien, en attendant, pouvoir faire ce que vous me demandez pour votre ami[1] ; mais les places sont ici bien rares. Il est vrai qu’il y a un petit nombre d’élus, mais il n’y a aussi qu’un petit nombre d’appelés. Ma mauvaise santé ne me permet guère d’être à portée de chercher ailleurs. Il y a huit mois entiers que je ne suis sorti de ma chambre que pour aller dans celle du roi. Je suis son malade, comme Scarron était celui de la reine.

Je vous remercie, avec bien de la sensibilité, des offres obligeantes que vous me faites, au sujet du manuscrit que j’ai perdu. La copie qui est entre les mains du valet de chambre de monseigneur le prince Charles de Lorraine n’est point ce que je cherche. Il n’a et ne peut avoir que la partie du manuscrit qui est entre les mains de plus de trente personnes. L’Histoire universelle, depuis Charlemagne jusqu’à Charles-Quint, a été copiée plusieurs fois ; mais ce qui m’a été volé, ce sont des matériaux pour l’histoire des temps suivants, jusqu’au siècle de Louis XIV. Je regrette surtout ce que j’avais rassemblé sur les progrès des sciences et des arts dans différents pays, et les traductions en vers que j’avais faites de plusieurs poëtes italiens, espagnols, et orientaux. Le manuscrit m’a été volé à Paris : c’est une perte que je ne puis réparer, et dont il faut que je me console. Il arrive de plus grands malheurs dans la vie.

Adieu, mon cher et ancien ami, je vous embrasse du meilleur de mon âme.

  1. Probablement M. Liéband.