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Permettez-moi de présenter mes respects à madame votre épouse ; je souhaite mille prospérités à toute votre chère famille et à votre nation, que j’aimerai toujours.

Adieu, my dear friend.


2416. — DE M. D’ALEMBERT[1].
À Paris, le 24 août.

J’ai appris, monsieur, tout ce que vous avez bien voulu faire pour l’homme[2] de mérite auquel je m’intéresse, et qui est à Potsdam depuis peu de temps. J’avais prié Mme  Denis de vouloir bien vous écrire en sa faveur, et on ne saurait être plus reconnaissant que je le suis des égards que vous avez eus à ma recommandation. Je me flatte qu’à présent que vous connaissez la personne dont il s’agit, elle n’aura plus besoin que d’elle-même pour vous intéresser en sa faveur, et pour mériter vos bontés. Je sais par expérience que c’est un ami sur, un homme d’esprit, un philosophe digne de votre estime et de votre amitié par ses lumières et par ses sentiments. Vous ne sauriez croire à quel point il se loue de vos procédés, et combien il est étonné qu’agissant et pensant comme vous faites, vous puissiez avoir des ennemis. Il est pourtant payé pour en être moins étonné qu’un autre, car il n’a que trop bien appris combien les hommes sont méchants, injustes et cruels. Mon collègue[3] dans l’Encyclopédie se joint à moi pour vous remercier de toutes vos bontés pour lui, et du bien que vous avez dit de l’ouvrage, à la fin de votre admirable essai sur le Siècle de Louis XIV[4]. Nous connaissons mieux que personne tout ce qui manque à cet ouvrage. Il ne pourrait être bien fait qu’à Berlin, sous les yeux et avec la protection et les lumières de votre prince philosophe ; mais enfin nous commencerons, et on nous en saura peut-être à la fin quelque gré. Nous avons essuyé cet hiver une violente tempête[5], j’espère qu’enfin nous travaillerons en repos. Je me suis bien douté qu’après nous avoir aussi maltraités qu’on a fait on reviendrait nous prier de continuer, et cela n’a pas manqué. J’ai refusé pendant six mois, j’ai crié comme le Mars d’Homère ; et je puis dire que je ne me suis rendu qu’à l’empressement extraordinaire du public. J’espère que cette

  1. Jean-Leroud d’Alembert, fils naturel de Louis Camus, chevalier Destouches (mort, en 1726, à cinquante-huit ans), directeur général des écoles d’artillerie, et de Mme  de Tencin, sœur du cardinal ; né le 16 novembre 1717 ; secrétaire perpétuel, en 1772, de l’Académie française, dont il était membre depuis 1754 ; mort à Paris le 29 octobre 1783. (B.)
  2. L’abbé de Prades.
  3. Diderot.
  4. Voyez tome XIV, page 153. Dans la première édition du Siècle de Louis XIV, c’était à la fin de l’ouvrage qu’était placé tout ce qui, aujourd’hui, précède l’Introduction.
  5. L’arrêt du conseil, du 7 février 1752, qui supprimait les deux premiers volumes de l’Encyclopédie.