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En lui remettant ce paquet, il me pria de lui avoir son portrait, qui était dans une bague que madame portait au doigt, et me donna le secret pour l’ouvrir. Je détachai le portrait, que je lui remis chez Mme de Boufflers, et donnai en même temps la bague à M. le marquis du Châtelet. Voilà tout ce que je sais touchant cet article, et c’est la plus exacte vérité.

Pour ce qui est de vos ouvrages, je n’ai jamais soustrait aucun manuscrit ni aucun livre. J’avais copié, et fait copier par le portier, l’Histoire généraleet quelques lambeaux des campagnes du roi, et quelques autres fragments. Avec ces papiers se trouvait aussi la Pucelle, que j’avais copiée à Cirey, sur le manuscrit de Mme du Châtelet, dans le temps que je ne vous en savais pas l’auteur. J’ai tout représenté à madame votre nièce, et tout a été brûlé.

Tout le temps que je les ai eus, rien n’est sorti de mes mains ; je n’ai rien fait voir à personne. J’en ai fait le sacrifice en entier, et n’ai gardé aucune chose. Vous pouvez m’en croire sur ma parole, et être tranquille à cet égard : tout cela est exactement vrai. Je vous ai fait un aveu sincère ; j’ose, monsieur, compter sur votre parole, et attends ma grâce et mon pardon.

Quant à vos bienfaits, je sais que je m’en suis rendu indigne, et que je n’en mérite point après ce que j’ai fait. Cependant la bonté de votre cœur me rassure, et me fait espérer que, malgré la malheureuse faiblesse que j’ai eue de trahir votre confiance, vous ne me refuserez pas quelques marques de cette bienveillance dont vous m’avez flatté autrefois ; et que par un pur effet de votre générosité vous me mettrez en situation de pouvoir me former un établissement, par quelque secours, et de ne devoir qu’à vous seul mon bonheur et ma fortune.

J’attends avec confiance l’effet de vos promesses, et suis avec vénération et avec le plus profond respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,


Longchamp.

2356. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL
Potsdam, le 1er avril.

Plus ange que jamais, puisque vous m’envoyez des critiques ; je vous remercie tendrement, mon cher et respectable ami, de votre lettre du 19 de mars. Vous avez enterré Rome avec honneur. Ne croyez pas que je veuille la ressusciter par l’impression ; je la réserve pour l’année de M. le maréchal de Richelieu, avec deux scènes nouvelles et bien des changements. C’est en se corrigeant qu’il faut profiter de sa victoire. Ce terrain de Rome était si ingrat qu’il faut le cultiver encore, après lui avoir fait porter, à force d’art, des fruits qui ont été goûtés. Le succès ne m’a rendu que plus sévère et plus laborieux. Il faut travailler jusqu’au dernier moment de sa vie, et ne point imiter Racine, qui fut assez