Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Berlin, de lui signer une promesse[1] en bonne forme. On n’a jamais fait une dédicace comme on acquitte une lettre de change. Vous m’avouerez que je suis fait pour les choses singulières.

Adieu ; je vous embrasse, je vous remercie ; je vais répondre à tous nos amis. Darget n’est point encore parti, mais il part.


2350. — À MADAME DE FONTAINE,
à paris.
Berlin, le 18 mars.

Pardon, ma chère nièce ; je griffonne des tragédies et des Siècles, et je suis paresseux d’écrire des lettres. Tout homme a son coin de paresse, et vous avez bien le vôtre ; mais mon cœur n’est point paresseux pour vous. Je vous aime comme si je vous voyais tous les jours, et je charge souvent votre sœur de vous le dire, et d’en dire autant à votre conseiller[2] du grand conseil. J’ai été bien malade cet hiver ; j’ai cru mourir, mais je n’ai fait que vieillir. J’espère reprendre, cet été, des forces pour venir jouir de la consolation de vous voir. J’aurai celle de sortir du château enchanté où je passe la vie la plus convenable à un philosophe et à un malade. Je suis un plaisant chambellan ; je n’ai d’autre fonction que celle de passer de ma chambre dans l’appartement d’un roi philosophe pour aller souper avec lui ; et, quand je suis plus malingre qu’à l’ordinaire, je soupe chez moi. Mon appartement est de plain-pied à un magnifique jardin où j’ai fait quelques vers de Rome sauvée. Il n’y a pas d’exemple d’une vie plus douce et plus commode, et je ne sais rien au-dessus que le plaisir de venir vous voir.

Vous me consolez beaucoup en me disant du bien de votre santé. Nous ne sommes de fer ni vous ni moi ; mais, avec du régime, nous existons, et je vois mourir à droite et à gauche de gros cochons[3] à face large et rubiconde.

Mille compliments à toute votre famille. Je vous embrasse tendrement, et je meurs d’envie de vous revoir.


2351. — À M. FORMEY.
De Potsdam, le 21 mars.

Je vous remercie, monsieur, de tout mon cœur de votre Bibliothèque impartiale, et surtout d’avoir donné l’Èloge de Mme du

  1. Voyez la lettre 2038.
  2. L’abbé Mignot, nommé membre du grand conseil le 18 mars 1750.
  3. La Mettrie, Rottembourg, et Tyrconnell.