Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nerais nerais auprès de vous ces grandes beautés et ces petites fautes, si je pouvais partir, comme Votre Majesté me l’ordonne, et comme je le souhaite. Mais ni M. Bartenstein, ni M. Bostucheff, tout puissants qu’ils sont, ni même Frédéric le Grand, qui les fait trembler, ne peuvent à présent m’empêcher de remplir un devoir que je crois très-indispensable. Je ne suis ni faiseur d’enfants, ni médecin, ni sage-femme, mais je suis ami, et je ne quitterai pas, même pour Votre Majesté, une femme qui peut mourir au mois de septembre. Ses couches ont l’air fort dangereuses ; mais, si elle s’en tire bien, je vous promets, sire, de venir vous faire ma cour au mois d’octobre. Je tiens toujours pour mon ancienne maxime que quand vous commandez à une âme, et que cette âme dit à son corps : Marche, le corps doit aller, quelque chétif et quelque cacochyme qu’il soit. En un mot, sire, sain ou malade, je m’arrange pour partir en octobre, et pour arriver, tout fourré, auprès du Salomon du Nord, me flattant que, dans ce temps-là, vous n’assiégerez point Pétersbourg, que vous aimerez les vers, et que vous me donnerez vos ordres. Je remercie très-fort la Providence de ce qu’elle ne veut pas que je quitte ce monde avant de m’être mis à vos pieds.


1983. — À M. DARGET.
Cirey, le 29 juin.

Ô gens profonds et délicats,
Lumières de l’Académie,
Chacun prend de vos almanachs.
Vous donnez des certificats[1]

  1. Le roi de Prusse avait envoyé à Voltaire (voyez la lettre 1977) des certificats sur la beauté du climat de Berlin, par Maupertuis, d’Argens, Algarotti, etc. Le certificat signé de Darget était ainsi conçu :

    Je, qui suis né sur les bords de la Seine,
    Mais qui depuis dix ans habite ces climats
    Où l’on croit que l’hiver et ses affreux frimas
    M’accâblent en tout temps de froidure et de peine,
    À tout chacun atteste et certifie
    Que, depuis environ deux mois,
    Il fait dans ce pays des chaleurs d’Italie,
    Que l’on y mange fraises, pois.
    Abricots et melons aussi bons qu’on Turquie ;
    Qu’on y jouit aussi de la tranquillité
    Qui rend le travail agréable,
    Et qu’on peut avec liberté
    Travailler dans son lit, et ne point boire à table ;
    En foi de quoi j’ai signé le présent

    À Sans-Souci, séjour charmant,