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présent, le secret de rendre ennuyeuse. Voilà pourquoi j’ai vu des princes, qui ne lisent jamais et qui entendent médiocrement notre langue, lire ce volume avec avidité, et ne pouvoir le quitter.

Mon secret est de forcer le lecteur à se dire à lui-même : Philippe V sera-t-il roi ? sera-t-il chassé d’Espagne ? La Hollande sera-t-elle détruite ? Louis XIV succombera-t-il ? En un mot, j’ai voulu émouvoir, même dans l’histoire. Donnez de l’esprit à Duclos tant que vous voudrez, mais gardez-vous bien de m’en soupçonner.

Peut-être j’ai mérité davantage le reproche d’être un philosophe libre ; mais je ne crois pas qu’il me soit échappé un seul trait contre la religion. Les fureurs du calvinisme, les querelles du jansénisme, les illusions mystiques du quiétisme, ne sont pas la religion. J’ai cru que c’était rendre service à l’esprit humain de rendre le fanatisme exécrable et les disputes théologiques ridicules ; j’ai cru même que c’était servir le roi et la patrie. Quelques jansénistes pourront se plaindre ; les gens sages doivent m’approuver.

La liste raisonnée des écrivains, etc., que vous daignez approuver, serait plus ample et plus détaillée si j’avais pu travailler à Paris : je me serais plus étendu sur tous les arts ; c’était mon principal objet, mais que puis-je à Berlin ? Savez-vous bien que j’ai écrit de mémoire une grande partie du second volume ? mais je ne crois pas que j’en eusse dit davantage sur le gouvernement intérieur. C’est là, ce me semble, que Louis XIV paraît bien grand, et que je donne à la nation une supériorité dont les étrangers sont forcés de convenir.

Oserais-je vous supplier, monsieur, de m’honorer de vos remarques sur ce second volume ? Ce serait un nouveau bienfait. Vous qui avez bâti un si beau palais, mettez quelques pierres à ma maisonnette. Consolez-moi d’être si loin de vous ; vos bontés augmentent bien mes regrets. Jugez de la persécution de la canaille des gens de lettres, puisqu’ils m’ont forcé d’accepter, ailleurs que dans ma patrie, des biens et des honneurs, et qu’ils m’ont réduit à travailler pour cette patrie même, loin de vos yeux.

    ait ici écrit Lambert. C.-Fr. Lambert, mort en 1765, auteur très-fécond, venait de publier, en trois ans, vingt-deux volumes, savoir : Recueil d’observations curieuses sur les mœurs, 1749, quatre volumes in-12 ; Histoire générale, civile, naturelle, politique et religieuse, de tous les peuples du monde, 1750, quinze volumes in-12 ; Histoire littéraire de Louis XIV, 1751, trois volumes in-4°. (B.)