Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Siècle de Louis XIV, on les envoyait à Francfort-sur-l’Oder. Non-seulement on y débite le livre publiquement, mais l’ouvrage est plein de fautes absurdes. Je ne parle pas de la perte que j’essuie ; mais le pauvre Francheville perd tout le prix de six mois de peine, et je suis déshonore par une friponnerie de libraire. Les fins d’année ne me sont pas heureuses. Mais je vous ai consacré ma vie, et avec cela on n’est point à plaindre.

Votre Majesté peut, d’un mot, non-seulement faire arrêter le libraire à Francfort, faire saisir son édition, et savoir d’où vient le vol, mais donner ordre qu’on examine sur le chemin de Leipsick les voitures de Francfort qui contiendront des livres, et qu’on saisisse celui qui portera le titre de Siècle de Louis XIV. Car le libraire de Francfort-sur-l’Oder envoie sans doute son vol à Leipsick.

Votre Majesté sait mieux que moi ce qu’elle doit faire, mais j’attends tout de sa justice et de ses bontés. Je me jette à ses pieds, et entre les bras de sa philosophie. Mais je compte bien plus sur votre protection.

Souffrez, sire, que je renouvelle à Votre Majesté, à la fin de cette année, les sentiments du profond respect et de la tendresse qui m’attachent à elle.


2314. — À FREDERIC II, ROI DE PRUSSE.

Ce mercredi matin (29 décembre 1751).

Ah ! mon Dieu, sire, que je vous demande pardon ! J’avais écrit à Votre Majesté, cette nuit, sur une affaire particulière qui n’en vaut pas la peine, et je ne savais pas que, pendant ce temps-là, vous perdiez M. de Rottembourg. Quel songe que la vie ! et quel songe funeste ! Votre Majesté perd un homme dont elle était véritablement aimée. J’ose dire que je perds près de Votre Majesté le seul homme[1] qui connût mon cœur et mes sentiments pour vous. Dieu veuille que vous retrouviez des gens aussi sincèrement attachés !

Je ne sais pas ce que deviendra ma malheureuse vie, mais elle sera toujours à vous, et vous serez convaincu que je n’étais pas indigne de vos bontés.

  1. Voltaire fut mieux informé peu de temps après. Voyez plus bas a lettre 2321.