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per, puisque je dis précisément le contraire page 49, tome II. Je crois que vous n’avez pas cette page 49. Je vous supplie d’ôter seulement ce mot de dernière, en attendant que je mette un carton. Figurez-vous qu’on imprime à huit lieues[1] de moi, et qu’il se glisse bien des fautes. M. de Caumartin[2] (j’entends le vieux conseiller d’État) m’assura que le roi avait assisté deux fois au conseil des parties. C’est une anecdote qu’il faudrait approfondir, et dont vous êtes à portée de vous instruire.

Croyez-vous qu’il faille absolument ôter de ce char[3] le duc de Bretagne ? J’en suis fâché ; cela était touchant ; cependant il faudra bien s’y résoudre. Je n’écrirai point, cet ordinaire, à ma nièce ; j’ai un peu de fièvre, et je n’écris qu’avec peine. Je vous prie de lui dire qu’elle ne montre qu’à peu de personnes les feuilles imprimées que je lui ai envoyées ; mais que surtout elle raye ce mot de dernière.

Je suis persuadé qu’elle réussira dans la conspiration de Rome comme dans celle de la Mecque[4]. Tout le monde dit que Dubois est devenu un grand acteur ; voilà une bonne aubaine pour notre Rome, que je recommande toujours à vos soins paternels.

Je vous supplierai d’examiner un peu scrupuleusement le premier tome de Louis XIV, que vous aurez probablement bientôt. Je mettrai ici tant de cartons qu’on voudra. Vous savez que je ne plains pas ma peine, et que j’aime à me corriger.

Adieu, mon cher ange ; dites bien à Mme Denis combien elle est adorable. J’ai été tenté de partir sur la jument Borac de Mahomet pour venir l’embrasser ; mais Je n’ai pas assez de santé pour voyager à présent. Je suis tout malingre.


· · · · · · · · · · et dulces moriens reminiscitur Argos.

(Virg., Æn., lib. X, v. 782.)

Adieu ; mes respects aux anges ; vous êtes mon Argos.

  1. Distance de Berlin à Potsdam.
  2. Louis-Urbain Le Fèvre de Caumartin, marquis de Saint-Ange, né en 1653, conseiller d’État en 1697, mort le 2 décembre 1720. C’est particulièrement aux entretiens de Voltaire avec ce personnage que nous devons la Henriade et le Siècle de Louis XIV.
  3. Dans la première édition du Siècle de Louis XIV. Voltaire disait : « Nous vimes son petit-fils le dauphin duc de Bourgogne, la dauphine sa femme, leur fils aîné le duc de Bretagne, portés à Saint-Denis dans le même char au mois d’avril 1712. » Voyez tome XIV, page 477.
  4. Mme Denis avait obtenu la reprise de Mahomet.