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et qui souhaitent à Votre Majesté un règne heureux, la voix d’un ancien serviteur se fasse entendre.

Que ne puis-je ressembler à Descartes, qui alla se mettre aux pieds de Christine ! Souffrez qu’au moins je présente un tribut à Votre Majesté : c’est un recueil[1] qu’on s’est avisé d’imprimer à Dresde, et dont j’ai corrigé toutes les fautes à la main ; il est rempli d’additions et de changements. Il n’y a au monde que deux exemplaires ainsi corrigés, l’un pour un héros digne d’être votre frère, l’autre pour son auguste sœur. C’est par cette rareté seule que cet ouvrage mérite peut-être d’être honoré d’une place dans la bibliothèque de Votre Majesté. Si on veut admirer ce qui est rare en effet par soi-même, et ce qui est d’un prix inestimable, il faut ou aller à Stockholm ou être à Potsdam. Il y a longtemps que j’ai vu une épître charmante que l’Apollon de Prusse a faite pour la Pallas de Suède. Après un tel tribut payé par une divinité à une autre, comment un profane oserait-il parler, soit en vers, soit en prose ?

Je suis avec le plus profond respect, madame, de Votre Majesté le très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

2223. — MÉMOIRE DE MADAME DENIS
adressé au lieutenant général de police.
Ce 24 avril 1751.

Mme  Denis, nièce de M. de Voltaire, demeurant chez lui, rue Traversière, et pendant son absence chargée de ses affaires à Paris, au retour d’un petit voyage qu’elle a fait à la campagne, a appris que le nommé Longchamp[2], valet de chambre de M. de Voltaire, et son copiste ordinaire, ayant la clef de son cabinet et de ses armoires, a profité de l’absence de ladite dame pour enlever de la maison plusieurs caisses de livres et des manuscrits. Mme  Denis étant obligée de veiller à la conservation des effets de monsieur son oncle, demande que visite et saisie soient faites de tous les papiers qui se trouvent chez ledit Longchamp ; et comme ce Longchamp est étroitement lié avec les nommés Lafond[3] mari et femme, ci-devant domestiques de feu Mme  la mar-

  1. La lettre de Voltaire était accompagnée d’un exemplaire de ses Œuvres, édition de Dresde, 1748-1750.
  2. Longchamp, marchand en boutique de cartes de géographie, loge rue Saint-Jacques, près la fontaine Saint-Severin, à l’enseigne de la Place des Victoires, à côté du Pavillon. (Note de madame Denis.)
  3. Lafond, mari et femme, logent, au troisième ou quatrième, rue de la Monnaie, près le Pont-Neuf, chez la demoiselle Alexandre, marchande de modes. (Note de madame Denis.)