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Mahomet, Enfin il parvint à exciter le zèle d’un homme[1] en place, et quelquefois un homme en place est un sot. Le préjugé subsiste toujours, et je crois que votre négociation trouvera bien des obstacles. M. le maréchal de Richelieu aura beau faire, les Turcs ne s’endormiront pas. Quelle pitié ! Si cet ouvrage avait été d’un inconnu, on n’aurait rien dit ; mais il était de moi, et il fallait crier. La méchanceté et le ridicule de vos cabales me consolent souvent d’être ici. Ce n’est point de l’enthousiasme qu’il faut à nous autres chétifs enfants d’Apollon : c’est de la patience, et ce n’est pas là d’ordinaire notre vertu.

Faites tout ce qu’il vous plaira. Je vous remets Rome et la Mecque entre les mains ; ce sont deux saintes villes. Pour moi, je ne sais plus à quel saint me vouer depuis que je me suis avisé si mal à propos de vivre loin de vous. Je suis bien malade, et justement puni.


2194. — À M. DARGET.
À Berlin, dimanche 20 février 1751.

Mon cher ami, j’espère encore être en état de venir vous embrasser mercredi ou jeudi ; mais sur quoi peut-on compter ? Milord Tyrconnell se porte mieux, et moi j’empire. Être absolument seul, sans secours, sans consolation d’aucune espèce, presque sans espérance, à quatre cents lieues de sa famille et de ses amis ; être privé, par la violence de ses maux, de la ressource de la lecture et de l’étude ; se voir mourir pièce à pièce, entre deux toits couverts de neige ! voilà mon état ; profitez de cet exemple. Ménagez-vous jusqu’au temps où vous irez chercher à Paris une guérison sûre. J’ai peur que vos jours et vos nuits ne soient tristes. Je voudrais pouvoir vous consoler ; et, si mes maux me donnent un peu de relâche, je viendrai vous dire, mercredi ou jeudi, quel tendre intérêt je prends aux vôtres. Je vous supplie de bien faire mes compliments à M. le comte Algarotti, et à M. le marquis d’Argens.


2195. — À M. LE BARON DE MARSCHALL[2].

Voltaire, que sa maladie séquestre de tous les devoirs comme de tous les plaisirs, ne peut venir lui-même remercier M. le

  1. Le cardinal de Fleury.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.