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Vous me mandez des choses bien extraordinaires. Apollon est en procès avec un juif[1] ! Fi donc ! monsieur, cela est abominable. J’ai cherché dans toute la mythologie, et n’ai trouvé ombre de plaidoyer dans ce goût, au Parnasse. Quelque comique qu’il soit, je ne veux point le voir représenter sur la scène. Les grands hommes n’y doivent paraître que dans leur lustre. Je veux vous y contempler juge de l’esprit, des talents et des sciences, triomphant des Racine et des Corneille, et dictateur perpétuel de la république des belles-lettres. J’espère que votre Israélite aura porté la peine de sa fourberie, et que vous aurez l’esprit tranquille.

Envoyez-nous bientôt le marquis d’Adhémar ; songez à la joie ; renoncez à la repentance ; portez-vous bien ; pensez quelquefois à moi, et comptez sur ma parfaite estime.


Wilhelmine.

2190. — À M. DARGET.
À Berlin, 18 février 1754.

Mon cher ami, j’ai compté sans mon hôte, et cet hôte est un diable qui ne me laisse pas compter sur un moment.


Durum sed levius fit patientia
Quidquid corrigere est nefas
[2] !


Peut-être serai-je en état de partir lundi ou mardi. Le Fils de l’homme dit que nous ne savons ni le jour ni l’heure. Je vous supplie de présenter mes remerciements à M. Fredersdorff, pour ses attentions obligeantes dont je profiterai aussitôt qu’il me sera possible. Je ne sais point par moi-même, depuis deux jours, comment va milord Tyrconnell, parce que j’ai gardé le lit : on dit qu’il va mieux ; mais quel mieux ? Mon pis, à moi, est de n’être pas à Potsdam : car, vous m’en croirez si vous voulez, ce n’est pas pour Mme  Bock que je suis venu dans ce pays-ci, et que j’ai quitté, à mon âge, ma patrie et mes amis. Ménagez votre santé, mon cher ami, et que le roi conserve la sienne. C’est un bien fort au-dessus de tous les trônes de la terre.

Je vous embrasse avec une extrême impatience de vous voir.


2191. — À FREDERIC II, ROI DE PRUSSE.
1751.

Sire, eh bien ! Votre Majesté a raison, et la plus grande raison du monde ; et moi, à mon âge, j’ai un tort presque irréparable.

  1. Voyez la lettre 2167.
  2. Horace, livre Ier, ode xxiv, v. 19-20.