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réponds que le reste de ma vie sera tranquille et philosophique. Soyez sûr que son amitié et la mienne contribueront à la douceur de votre vie. Elle ne me parle que de vous ; elle vous aime déjà de tout son cœur, et je vous demanderai bientôt votre protection auprès d’elle. Comptez que c’est une femme charmante, et que personne n’a plus de goût, plus de raison et plus de douceur[1]. Elle est plus capable de sentir le mérite des ouvrages du Salomon du Nord, que tout ce qui l’entoure. Si je peux espérer de rester au Marquisat avec elle, ma vie sera aussi heureuse qu’elle a été horrible depuis trois mois. Je vous embrasse tendrement ; réussissez dans votre négociation : il le faut absolument.

La vraie amitié réussit toujours.


2177. — À M. DARGET.
À Berlin, 18 janvier au soir, 1751.

Mon cher ami, je reçois votre lettre aussi aimable que raisonnable. Le juif est condamné dans tous les points, et, de plus, il est condamné à une amende qui emporte infamie, s’il y avait infamie pour un juif.

Mais tout cela ne me rend pas ma santé. Je suis dans un état qui ferait pitié même à un juif. Je n’ai voulu qu’une retraite commode ; j’en ai besoin, et le voisinage me la rendra délicieuse. J’avoue qu’il me paraissait très-impertinent que je prétendisse toucher une pension du roi avec tant de bienfaits. Plus les bontés sont grandes, moins il faut en abuser.

Il faut à présent faire priser les diamants. J’en ai perdu un de trois cent cinquante écus, je ne sais comment. Il n’y a pas grand mal, je gagne assez en confondant la calomnie. Je voudrais seulement que le plus grand homme du monde voulût bien penser qu’un juif, l’instrument d’une cabale, ayant trompé la justice, peut bien aussi avoir trompé son roi. Je voudrais qu’il vît combien il est absurde que j’aie envoyé cet homme à Dresde ; combien il est ridicule que je lui aie promis une charge de joaillier de la couronne, etc.

Je voudrais qu’il sût combien de billets de la Steuer ce malheureux a achetés à Dresde et vendus à Berlin.

  1. Ce portrait ne se rapporte guère à ce que Voltaire écrivait à Richelieu le 10 juin 1752, et à d’Argental le 10 mars 1754.