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1964. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[1].
À Versailles, ce 19 avril.

Sire, vous vous plaignez que je vous traite avec trop de douceur. Il est vrai que je ne dis pas de duretés à Votre Majesté ; mais, quand je loue et que je cite ce qui m’a paru bon dans les ouvrages qu’elle daigne me communiquer, n’est-ce pas vous dire la vérité, n’est-ce pas vous prier de la chercher et de la sentir vous-même ? Ne pouvez-vous pas comparer ces beaux morceaux avec les autres ? N’est-ce pas à celui qui les a faits d’en apercevoir la différence ?

Par exemple, ce morceau, dans votre Épître à Son Altesse royale madame la margrave de Baireuth[2], est excellent, et vous devez, en le relisant, vous rendre à vous-même ce témoignage :


Il n’est rien de plus grand, dans ton sort glorieux,


(il faudrait pourtant un hémistiche moins faible)


Que ce vaste pouvoir de faire des heureux,
Ni rien de plus divin, dans ton beau caractère,
Que cette volonté toujours prête à les faire,
Osait dire à César, ce consul orateur
Qui de Ligarius se rendit protecteur.
Et c’est à tous les rois qu’il paraît encor dire :
Pour faire des heureux vous occupez l’empire ;
Astres de l’univers, votre éclat est pour vous ;
Mais de vos doux rayons l’influence est pour nous.

    considérable dans la Cité pour aider le gouvernement, et à qui vous avez écrit par l’ordre du duc ? Il me semble qu’un aussi bon patriote mérite une mention. Si vous voyez milord Chesterfield, je vous prie de vouloir bien lui présenter ma reconnaissance et mes respects. Je suis, du fond de mon cœur, pénétré de votre tendre et précieux souvenir. Vous n’oubliez pas vos vieux amis, et je vous serai attaché jusqu’au dernier jour de ma vie. Soyez sûr que si je jouis d’une meilleure santé, je traverserai encore la mer pour vous voir : c’est une consolation que je désire bien vivement. Depuis que vous gouvernez les postes*, il vous est très-facile de m’envoyer même les plus gros paquets par M. de La Reynière, fermier général et intendant des postes de France, avec mon adresse. Adieu, mon cher monsieur. Mes respects à milady, et mes vœux bien sincères à votre fils. Votre affectionné et tendre ami et serviteur,

    Voltaire.

    P. S. Que sont devenus vos frères ?

    *. Le roi George II avait nommé sir Éverard Falkener maître général des postes.

  1. La réponse est sous le n° 1973.
  2. Sur l’Usage de la fortune.