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2122. — À M. FORMEY[1].
Le 9 septembre.

Ma mauvaise santé, monsieur, et encore plus celle de Mme la margrave de Baireuth, m’ont empêché de venir vous voir. Voilà tout ce que j’ai de mes guenilles imprimées. Je n’ai jamais fait d’édition complète. Je voudrais que toutes celles qu’on s’est avisé de faire fussent dans le feu. On est inondé de livres ; j’ai honte des miens.

Je m’occupe à présent, comme je peux, à corriger l’édition de Dresde. Plus on avance en âge, plus on connaît ses fautes.

Votre très-humble…

Voltaire.

2123. — À MADAME DENIS.
Berlin, le 12 septembre.

Qui donc peut vous dire que Berlin est ce qu’était Paris du temps de Hugues Capet ? Je vous prie seulement, ma chère enfant, d’aller voir votre ancienne paroisse, l’église de Saint-Barthélémy, où vous n’avez, je crois, jamais été. C’était là le palais de ce Hugues. Le portail subsiste encore dans toute sa barbarie. Venez, après cela, voir la salle d’Opéra de Berlin.

Je voudrais que vous eussiez été au carrousel dont je vous ai déjà dit un petit mot ; remarquez en passant qu’on ne donne plus de carrousels à présent ailleurs qu’ici. Si vous aviez vu le prince royal de Prusse, avec sa mine noble et douce, habillé en consul romain, couper des têtes de Maures, et enfiler des bagues, vous l’auriez pris pour le jeune Scipion. Il est sûr que les peintres qui s’avisent de peindre la continence de Scipion ne le prendront pas pour modèle ; vous l’auriez peut-être prié de vous faire violence, si vous l’aviez vu dans ce bel équipage. Nous avons eu deux fois ce carrousel, une aux flambeaux, et l’autre en plein jour ; ensuite nous avons joué Rome sauvée sur un petit théâtre assez joli que j’ai fait construire dans l’antichambre de la prin-

  1. Jean-Henri-Samuel Formey, né à Berlin le 31 mai 1711, d’une famille de réfugiés français, membre, puis secrétaire perpétuel (pour les belles-lettres) de l’Académie de Berlin, est mort le 8 mars 1797. Il avait publié, en 1789, des Souvenirs d’un citoyen, en deux volumes petit in-8o. On y trouve une trentaine de lettres de Voltaire qui n’ont eu place dans ses Œuvres que depuis 1829. Voltaire s’est quelquefois égayé sur Formey ; voyez tome XXIII, page 584 ; et XXIV, 433.