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Pour voir un triste jubilé,
L’heureux d’Arnaud voit un grand homme.

Grand homme que vous êtes ! que votre dernier songe est joli ! Vous dormez comme Horace veillait. Vous êtes un être unique.

J’enverrai à Votre Majesté, par la première poste, des fatras d’Oreste ; je mettrai ces misères à vos pieds. Une seule de vos lettres, qui ne vous coûtent rien, vaut mieux que nos grands ouvrages, qui nous coûtent beaucoup. Je suis plus que jamais aux pieds de Votre Majesté.


2073. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Paris, le 17 mars.

Grand juge et grand faiseur de vers,
Lisez cette œuvre dramatique,
Ce croquis de la scène antique,
Que des Grecs le pinceau tragique
Fit admirer à l’univers.
Jugez si l’ardeur amoureuse
D’une Électre de quarante ans
Doit, dans de tels événements,
Étaler les beaux sentiments
D’une héroïne doucereuse,
En massacrant ses chers parents
D’une main peu respectueuse.
 
Une princesse en son printemps,
Qui surtout n’aurait rien à faire,
Pourrait avoir, par passe-temps,
À ses pieds un ou deux amants,
Et les tromper avec mystère ;
Mais la fille d’Agamemnon
N’eut dans la tête d’autre affaire
Que d’être digne de son nom,
Et de venger monsieur son père.
Et j’estime encor que son frère
Ne doit point être un Céladon ;
Ce héros fort atrabilaire
N’était point né sur le Lignon.

Apprenez-moi, mon Apollon,
Si j’ai tort d’être si sévère,