Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

genson si vous le jugez nécessaire. Daignez prévenir les querelles violentes qui naîtraient infailliblement d’une pareille licence. Elle est portée au plus haut point, et, pour peu que vous le vouliez, elle cessera. Il est dur pour un homme de mon âge, pour un officier du roi, d’être compromis avec de pareils personnages. Je vous conjure de m’en épargner le désagrément. Je vous aurai deux obligations, celle de mon repos et celle de rester en France, J’ai l’honneur d’être, etc.


2072. — À FREDERIC II, ROI DE PRUSSE.
À Paris, le 10 mars.

Enfin d’Arnaud, loin de Manon,
S’en va, dans sa tendre jeunesse,
À Berlin chercher la sagesse
Près de Frédéric-Apollon.
Ah ! j’aurais bien plus de raison
D’en faire autant dans ma vieillesse.

va donc goûter le bonheur
De voir ce brillant phénomène,
Ce conquérant législateur
Qui sut chasser de son domaine
Toute sottise et toute erreur,
Tout dévot et tout procureur,
Tout fléau de l’engeance humaine.
Il verra couler dans Berlin
Les belles eaux de l’Hippocrène,
Non pas comme dans ce jardin[1]
Où l’art avec effort amène
Les naïades de Saint-Germain,
Et le fleuve entier de la Seine
Tout étonné d’un tel chemin ;
Mais par un art bien plus divin,
Par le pouvoir de ce génie
Qui sans effort tient sous sa main
Toute la nature embellie.
Mon d’Arnaud est donc appelé
Dans ce séjour que l’on renomme !
Et, tandis qu’un troupeau zélé
De pèlerins au front pelé
Court à pied dans les murs de Rome,

  1. Versailles. (Note de Voltaire.)