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2067. — À M. LE MARQUIS DES ISSARTS,
ambassadeur de france à dresde.
À Paris, le 19 février.

Je vous renvoie, monsieur, ce que je voudrais rapporter moi-même sur-le-champ aux pieds de celle[1] qui fait tant d’honneur à la France et à l’Italie. Je vous avoue que je suis bien étonné : il n’y a pas une faute de français dans tout l’ouvrage[2] ; il n’y en a pas deux contre les règles sévères de notre versification, et le style est beaucoup plus clair que celui de bien de nos auteurs. Rien ne marque mieux un esprit juste et droit que de s’exprimer clairement. Les expressions ne sont confuses que quand les idées le sont.

Cet ouvrage est le fruit d’une connaissance profonde et fine de la langue française et de l’italienne, et d’un génie facile et heureux. Un tel mérite est bien rare dans les conditions ordinaires ; il est unique dans l’état où la personne respectable dont je tais le nom est née. Je lui dresse en secret des autels, et je voudrais pouvoir lui porter mon encens dans la partie du ciel qu’elle habite.


Quels talents divers elle allie !
Comme elle charme tour à tour,
Tantôt les dieux de ce séjour,
Et tantôt ceux de l’Italie !

Rome, la première cité,
Et Paris, au moins la seconde,
Ont dit dans leur rivalité :
Son esprit, comme sa beauté,
Est de tous les pays du monde.

On dit qu’autrefois de Saba
Certaine reine un peu savante
Devers Salomon voyagea,
Et s’en retourna fort contente ;

Mais, s’il était un Salomon,
Je sais ce que ferait le Sage ;

  1. Marie-Amélie de Saxe, alors reine des Deux-Siciles.
  2. Tragédie en vers français, que la princesse de Saxe, sœur de madame la dauphine, avait envoyée à M. de Voltaire pour l’examiner et lui en dire son sentiment. (K.)