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Mais, après avoir démontré que la lune est retenue dans son orbite par la même loi que tous les corps pèsent ici-bas, et que la terre et Saturne tendent vers le soleil par cette loi même ; après avoir, sans observation, calculé par ces seuls principes le chemin d’une comète, et l’avoir trouvée au même point où les observations la trouvaient ; après avoir enfin prouvé en tant de façons que les corps célestes se meuvent dans un espace non résistant ; après que la progression de la lumière, démontrée par Bradley, est venue confirmer tout cela, et dire aux hommes qu’elle n’était retardée en son cours par aucune matière, comment peut-on ne pas se rendre ? comment peut-on, contre tant d’observations, contre tant de faits, contre tant de raisons, soutenir une hypothèse des Mille et une Nuits, que Descartes a imaginée, dont on n’a et dont on ne peut avoir la plus légère preuve ?

L’impulsion, en général, est une idée claire, je l’avoue ; mais l’impulsion, dans le cas de la gravitation, est l’idée la plus obscure, la plus incompatible que je connaisse. Quel est donc le blasphème philosophique d’attribuer à la matière une propriété de plus ? Quand cette propriété n’existerait que comme l’effet d’une cause inconnue, ne faudrait-il pas toujours l’admettre comme un principe dont on doit partir, en attendant qu’il plaise à Dieu de nous découvrir le premier principe ? Ne faut-il pas bien, dans une montre, reconnaître le ressort pour la cause de tout le mécanisme, sans que nous sachions ce qui produit le ressort ?

L’univers est cette montre, l’attraction est ce ressort. C’est le grand agent de la nature, agent absolument inconnu avant Newton, agent dont il a découvert l’existence, dont il a calculé les phénomènes, agent qui a bien l’air d’être tout autre chose que l’élasticité, l’électricité, etc. : car l’électricité, la force du ressort d’une montre, etc., sont sans doute des effets des lois ordinaires du mouvement ; mais cette gravitation ressemble fort à une qualité primordiale de la matière.

Je viens de lire les beaux Mémoires de 1722 et 1723, dont vous me parlez, sur la réflexion et la réfraction des corps ; certainement vous êtes digne de croire, et vous n’êtes pas si loin du royaume de l’attraction.

Une petite réflexion, s’il vous plaît, sur votre excellent mémoire : ni Descartes, ni Fermat, ni le marquis de L’Hôpital, ni Leibnitz, n’ont touché au but.

Vous réfutez, comme de raison, ce tournoiement chimérique, cette tendance au tournoiement de Descartes, qui, par parenthèse.