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fortes. Il faut que chacun en cherche encore de nouvelles. Les physiciens-géomètres sont invités, par exemple, à considérer si quinze pieds étant le sinus verse de l’arc que parcourt la terre en une seconde, il est possible qu’un fluide quelconque pût causer la chute de quinze pieds dans une seconde.

Je les prie d’examiner si les longueurs de pendules étant entre elles comme les carrés de leurs oscillations, un pendule de la longueur du rayon de la terre étant comparé avec notre pendule à secondes, la pesanteur qui fait seule les vibrations des pendules peut être l’effet d’un tourbillon circulant autour de la terre, etc. Quand on aura bien balancé, d’un côté, toutes ces incompatibilités mathématiques, qui semblent anéantir sans retour les tourbillons, et, de l’autre, la seule hypothèse douteuse qui les admet, on verra mieux alors ce que l’on doit penser.

De très-grands philosophes, qui m’ont fait l’honneur de m’écrire sur ce sujet des lettres un peu plus polies que celle de l’anonyme, veulent s’en tenir au mécanisme que Descartes a introduit dans la physique. J’ai du respect pour la mémoire de Descartes ainsi que pour eux. Il faut sans doute rejeter les qualités occultes ; il faut examiner l’univers comme une horloge. Quand le mécanisme connu manque, quand toute la nature conspire à nous découvrir une nouvelle propriété de la matière, devons-nous la rejeter parce qu’elle ne s’explique pas par le mécanisme ordinaire ? Où est donc la grande difficulté que Dieu ait donné la gravitation à la matière, comme il lui a donné l’inertie, la mobilité, l’impénétrabilité ? Je crois que plus on y fera réflexion, plus on sera porté à croire que la pesanteur est, comme le mouvement, un attribut donné de Dieu seul à la matière. Il ne pouvait pas la créer sans étendue, mais il pouvait la créer sans pesanteur. Pour moi, je ne reconnais, dans cette propriété des corps, d’autre cause que la main toute-puissante de l’Être suprême. J’ai osé dire, et je le dis encore, que, s’il se pouvait que les tourbillons existassent, il faudrait encore que la gravitation entrât pour beaucoup dans les forces qui les feraient circuler ; il faudrait même, en supposant ces tourbillons, reconnaître cette gravitation comme une force primordiale résidante à leur centre.

On me reproche de regarder, après tant de grands hommes, la gravitation comme une qualité de la matière ; et moi, je me reproche, non pas de l’avoir regardée sous cet aspect, mais d’avoir été, en cela, plus loin que Newton, et d’avoir affirmé, ce qu’il n’a jamais fait, que la lumière, par exemple, ait cette qua-