Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/534

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aisé, rabaisser les ouvrages de poésie que j’ai faits dans ma jeunesse. Qu’un lecteur critique Zaïre, ou Alzire, ou la Henriade, je ne prendrai pas la plume pour lui prouver qu’il a tort de n’avoir pas eu de plaisir. On ne doit pas garder le même silence sur un ouvrage de philosophie ; tantôt on a des objections spécieuses à détruire, tantôt des vérités à éclaircir, souvent des erreurs à rétracter. Je puis me trouver ici à la fois dans ces trois circonstances ; cependant je ne crois pas devoir répondre en détail à la brochure dont il est question.

Si on me fait des objections plus raisonnables, j’y répondrai, soit en me corrigeant, soit en demandant de nouveaux éclaircissements : car je n’ai et ne puis avoir d’autre but que la vérité. Je ne crois pas qu’excepté quatre ou cinq arguments, il y ait rien de mon propre fonds dans les Éléments de la Philosophie nouvelle. Elle m’a paru vraie, et j’ai voulu la mettre sous les yeux d’une nation ingénieuse, qui, ce me semble, ne la connaissait pas assez. Les noms de Galilée, de Kepler, de Descartes, de Newton, de Huygens, me sont indifférents. J’ai examiné paisiblement les idées de ces grands hommes que j’ai pu entrevoir. Je les ai exposées selon ma manière de concevoir les choses, prêt à me rétracter quand on me fera apercevoir d’une erreur.

Il faut seulement qu’on sache que la plupart des opinions qu’on me reproche se trouvent ou dans Newton, ou dans les livres de MM. keill, Grégori, Pemberton, S’Gravesande, Musschenbroeck, etc., et que ce n’est pas dans une simple brochure, faite avec précipitation, qu’il faut combattre ce qu’ils ont cru prouver dans des livres qui sont le fruit de tant de réflexions et de tant d’années.

Je vois que ce qui fait toujours le plus de peine à mes compatriotes, c’est ce mot de gravitation, d’attraction. Je répète encore qu’on n’a qu’à lire attentivement la dissertation de M. Maupertuis sur ce sujet, dans son livre de la figure des astres, et on verra si on a plus d’idée de l’impulsion qu’on croit connaître que de l’attraction qu’on veut combattre. Après avoir lu ce livre, il faut examiner le quinzième, le seizième, et le dix-septième[1] chapitre des Éléments de Newton, et voir si les preuves qu’on y a rassemblées contre le plein et contre les tourbillons paraissent assez

  1. Les chapitres xv et xvi da l’édition de 1738 des Éléments de la Philosophie de Newton sont, à peu près, les chapitres i et ii de la troisième partie (voyez tome XXII. pages. 508-517). Quant au chapitre xvii, de 1738, il fut supprimé dès 1741, sauf un alinéa (c’est celui qu’on lit tome XXII, page 517), et il est du nombre des variantes que Beuchot a cru pouvoir négliger.