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se trouve loué par moi après m’avoir insulté. Quand on est loin, qu’on imprime en Hollande, et qu’on a affaire à Paris, il n’en peut résulter que des contre-temps. J’ai su depuis que ce fou de la géométrie est votre ennemi déclaré.

Autre anecdote littéraire. Un abbé étant venu demander à un des juges des nouvelles du Mémoire sur le Feu, n° vii, ce juge fit entendre qu’il approuvait fort ce mémoire, et que, si on l’avait cru, il eût été couronné ; cependant je sais très-bien que c’était vous qui eûtes quelque bonté pour cet ouvrage[1]. Je dois quelque chose aux discours polis de ce juge ; mais je dois tout à votre bonne volonté. Je vous avoue que je suis plus aise d’avoir eu votre suffrage que si j’avais eu toutes les voix, hors la vôtre.

Mme du Châtelet veut bien consentir à se découvrir à l’Académie, pourvu que l’Académie, en imprimant son Essai[2], et en l’approuvant, n’en nomme pas l’auteur. Pour moi, je renonce à cette gloire ; je ne connais que celle de votre amitié. Vous m’avouerez que l’événement est singulier. Il est bien cruel que de maudits tourbillons l’aient emporté sur votre élève.

Nous nous flattons que vous informerez Cirey de votre santé et de vos occupations. On ne peut se porter plus mal que je ne fais ; je serai bientôt obligé de renoncer à toute étude, mais je ne renoncerai qu’avec la vie à mon amitié, à ma reconnaissance, à mon admiration pour vous.


881. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[3].
Ce 17 juin (1738).

En réponse à celle du 11 juin.

Non, mon cher abbé, cela ne sera pas mieux que mon libraire me fasse attendre. Quand je demande des livres dont j’ai besoin, il est triste d’attendre qu’on ait fait une caisse complète. Quatre envois sont aussi bons qu’un ; il n’en coûte que trois caisses de plus, et on est servi promptement. Si le libraire n’est pas exact à suivre mes intentions, je vous prierai d’en choisir un autre pour fournir la maison : je suis las de n’avoir les Mercure et les journaux que trois mois après les autres, et d’avoir moutarde après dîner.

Le sieur Cousin n’a ces vingt pistoles que pour venir à Cirey.

  1. Voyez ce Mémoire ou Essai sur la Nature du feu, tome XXII, page 279.
  2. Voyez, tome XXIII, page 65, le Mémoire de Voltaire sur cet ouvrage de Mme du Châtelet.
  3. Édition Courtat.