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Peut-être sont-ce de vieilles nouvelles qui arrivent tout usées.

Si vous venez à Cirey, j’ai quelque chose pour vous qui vous sera très-agréable et très-utile. Vale.


853. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
(Cirey) avril.

Monseigneur, j’ai reçu de nouveaux bienfaits de Votre Altesse royale, des fruits[1] précieux de votre loisir et de votre singulier génie. L’ode à Sa Majesté la reine votre mère me paraît votre plus bel ouvrage. Il faut bien, quand votre cœur se joint à votre esprit, qu’il en naisse un chef-d’œuvre. Je n’y trouve à reprendre que quelques expressions qui ne sont pas tout à fait dans notre exactitude française. Nous ne disons pas des encens au pluriel ; nous ne disons point, comme on dit, je crois, en allemand, encenser à quelqu’un. Cette phrase n’est en usage que parmi quelques ministres réfugiés, qui tous ont un peu corrompu la pureté de la langue française. Voilà à peu près tout ce que ma pédanterie grammaticale peut critiquer dans cet ouvrage charmant, que je chéris comme homme, comme poëte, comme serviteur bien tendrement attaché à votre auguste personne.

Que je suis enchanté quand je vois un prince, né pour régner, dire :

Ta clémence et ton équité,
Ces limites de ta puissance !

Voilà deux vers que j’admirerais dans le meilleur poëte, et qui me transportent dans un prince. Vous faites, comme Marc-Aurèle, la satire des cours par votre exemple et par vos écrits, et vous avez, par-dessus lui, le mérite de dire en beaux vers, dans une langue étrangère, ce qu’il disait assez sèchement dans sa langue propre.

Si la tendresse respectable qui a dicté cette ode ne m’avait enlevé mon premier suffrage, je pourrais le donner à l’ode. Enfin il y a plus d’imagination, et le mérite de la difficulté surmontée, qu’on doit compter dans tous les arts, est bien plus grand dans une ode que dans une épître libre.

Le Printemps est dans un tout autre goût ; c’est un tableau de Claude Lorrain. Il y a un poète anglais, homme de mérite,

  1. Voyez plus haut le dixième alinéa de la lettre 845, de Frédéric, à laquelle celle-ci répond.