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J’ai sonné le tocsin mal à propos dans la dernière lettre[1] que je vous ai écrite ; vous voudrez bien continuer votre correspondance par M. Thieriot. Mon soupçon, après l’avoir éclairci, s’est trouvé mal fondé. J’en suis bien aise, parce que cela me procurera d’autant plus promptement vos réponses.

Vous ne sauriez croire à quel point j’estime vos pensées, et combien j’aime votre cœur. Je suis bien fâché d’être le Saturne du monde planétaire dont vous êtes le soleil. Qu’y faire ? mes sentiments me rapprochent de vous, et l’affection que je vous porte n’en est pas moins fervente. Je joins a cette lettre ce que vous m’avez demandé sur la vie de la czarine et du czarovitz. Si vous souhaitez quelque chose de plus sur ce sujet, je m’offre de vous satisfaire, étant à jamais, monsieur, votre affectionné et trés-fidele ami,

Fédéric

852. — À M. THIERIOT.
Cirey, jeudi 23 avril.

Je reçois, mon cher Thieriot, un paquet de notre prince philosophe qui m’en apprend de bonnes[2]. Mais pourquoi, s’il vous plaît, n’accompagnez-vous pas vos paquets d’un petit mot de votre main ? Pensez-vous que le commerce de l’héritier d’une couronne me soit plus cher que celui d’un ami ?

Urbis amatorem Thirium salvere jubemus
Ruris amatores
· · · · · · · · · · · · · · ·

( Hor., lib. I, ep. x, v. 1.)

Mme  la marquise du Châtelet a eu chez elle M. et Mme  Denis. On a été extrêmement content, et je les ai vus partir avec regret. Si vous pouviez trouver un mari dans ce goût-là à la Serizy, vous lui rendriez un bon service. Je cherche à présent un Strahon[3], un garçon philosophe, qui puisse m’aider en physique, mente manuque, un petit diminutif de la race des Vaucanson. Une bonne maison, de la liberté, de la tranquillité, quatre ou cinq cents livres bien payées par an, et la disposition d’une bibliothèque de physique complète, et d’un cabinet de mathématiques, feraient son sort. Au reste, ce goût pour la physique n’éteint point celui de la littérature. Envoyez-moi donc ce qu’il y a de nouveau. On me parle d’une ode excellente de Gresset sur l’Amour de la Patrie, et d’une épître du Père Brumoi sur la Liberté[4].

  1. Celle du 31 mars.
  2. C’était probablement sur Pierre Ier tranchant lui-même la tête aux strélitz. Voyez la lettre 845.
  3. Nom du valet dans la comédie de Démorite, de Regnard.
  4. Ne serait-ce pas la deuxième des Épîtres sur le bonheur. que Voltaire désavouait, et qui traite de la Liberté ?