Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auraient déplu à Votre Altesse royale. Le courrier des lettres arriva, et apporta vos critiques ; nous fûmes enchantés. Que croyez-vous que je fis sur-le-champ, monseigneur, tout malade que j’étais ? Vous le devinez bien : je corrigeai et ce quatrième et ce cinquième acte.

Je m’étais un peu hâté, monseigneur, de vous envoyer l’ouvrage[1]. L’envie de présenter des prémices divo Federico ne m’avait pas permis d’attendre que la moisson fût mûre ; ainsi je vous supplie de regarder cet essai comme des fruits précoces ; ils approchent un peu plus actuellement de leur point de maturité. J’ai beaucoup retouché la fin du second, la fin du troisième, le commencement et la fin du quatrième, et presque la moitié du cinquième. Si Votre Altesse royale le permet, je lui enverrai, ou bien une copie des quatre actes retouchés, ou bien seulement les endroits corrigés.

Je crois que M. Thieriot enverra bientôt à Votre Altesse royale une tragédie nouvelle, qui est infiniment goûtée à Paris ; elle est d’un homme à peu près de mon âge, nommé La Chaussée, qui s’est mis à composer pour le théâtre assez tard, comme s’il avait voulu attendre que son génie fût dans toute sa force. Il a fait déjà une comédie fort estimée, intitulée le Préjugé à la mode, et une Épître à Clio, dont les trois quarts sont un ouvrage parfait dans son genre. J’espère beaucoup de sa tragédie de Maximien ; ce sera un amusement de plus pour Remusberg. Il sera lu et approuvé par Votre Altesse royale ; je ne peux lui souhaiter rien de mieux.

Vous êtes notre juge, monseigneur ; nous sommes comme les peuples d’Élide, qui crurent n’avoir point établi des jeux honorables si on ne les approuvait en Égypte.

Votre Altesse royale me fait frémir en me parlant de ce que je soupçonnais du czar. Ah ! cet homme est indigne d’avoir bâti des villes ; c’est un tigre qui a été le législateur des loups.

Votre Altesse royale daigne me promettre la cantate de la Lecouvreur ; ah ! monseigneur, honorez Cirey de ce présent ; il faut qu’une partie de nos plaisirs vienne de Remusberg. Je serai en paradis quand mes oreilles entendront mes vers embellis par votre musique, et chantés par Émilie.

Je voudrais que tous nos petits rimailleurs pussent lire ce que Votre Altesse royale m’a écrit sur le style marotique, et sur le ridicule d’exprimer en vieux mots des choses qui ne méritent

  1. Avec la lettre du 20 décembre 1737.